Violation de la norme et méthémoglobinémie

Pennino, M.J., Compton, J.E. and Leibowitz, S.G. (2017) Trends in drinking water nitrate violations across the United States. Environmental Science and Technology 51, 13450-13460

(voir l'abstract ici)

Les trois auteurs américains appartiennent à l’US Environmental Protection Agency [EPA] [Washington, USA].

Ils rappellent qu’en 1962, aux Etats-Unis, la teneur maximale de l’eau de boisson en nitrate a été fixée par l’US Public Health Service à 10 mg NO3--N l-1, correspondant à 44.3 mg NO3- l-1. Plus de 50 ans plus tard, la même règlementation est toujours présente, inchangée.

Pour les auteurs, la présence de nitrate NO3- dans l’eau de boisson n’est pas sans avoir de sérieuses conséquences sur la santé. Ils évoquent ainsi la méthémoglobinémie du nourrisson, certains cancers, des anomalies congénitales, des affections thyroïdiennes encore que, s’empressent-ils d’ajouter, les résultats des études puissent avoir été contradictoires [Excess nitrate in drinking water can cause methemoglobinemia (blue baby syndrome). Nitrate contamination in drinking water may be associated with certain cancers, birth defects, and thyroid issues, though the results of these studies have been varied].

Partant de ces prémisses, ils s’enquièrent ainsi, dans les 48 Etats de l’Union situés entre Canada et Mexique, du nombre de violations dans l’eau d’adduction publique de la directive américaine sur les nitrates au cours des deux ou trois dernières décennies.

Dans l’ensemble des 48 Etats, la proportion de systèmes d’adduction publique ayant fourni une eau de boisson de teneur en nitrate supérieure à 44.3 mg NO3- l-1 est passée de 0.28 à 0.42 % de 1994 à 2009, pour revenir à 0.32 % en 2016 [We found that the proportion of systems in violation for nitrate significantly increased from 0.28% to 0.42% of all systems between 1994 and 2009 and then decreased to 0.32 % by 2016]. Les Etats de l’Union les plus visés sont le Nebraska et le Delaware. Les proportions y sont, en moyenne et respectivement, de 2.7 et 2.4 % [On average, Nebraska and Delaware had the greatest proportion of systems in violation (2.7 % and 2.4 % respectively)]. Dans l’ensemble des 48 Etats, le nombre annuel de systèmes d’adduction publique ayant fourni une eau d’adduction publique de teneur en nitrate supérieure à 44.3 mg NO3- l-1 a augmenté de 1994 à 2009 de 476 à 643, pour baisser de 2009 à 2016 de 643 à 483 [The number of systems in violation of the nitrate maximum contaminant level increased from 476 to 643 systems between 1994 and 2009 and decreased from 643 to 483 systems between 2009 and 2016].

Dans l’ensemble des 48 Etats, le nombre de personnes recevant chaque année, par l’intermédiaire de systèmes d’adduction publique, une eau de boisson de teneur en nitrate supérieure à 44.3 mg NO3- l-1 est variable d’une année sur l’autre. Il va, en effet, d’une année sur l’autre, de plusieurs centaines de milliers à presque deux millions [The number of people served by systems in violation for nitrate is quite variable over time, ranging from several hundred thousand to nearly two million people per year]. Les Etats de l’Union ici le plus visés sont l’Ohio et la Californie, avec des chiffres annuels, en moyenne et respectivement, de 278000 et 139000 [Ohio and California had the greatest average annual number of people served by systems in violation (278,374 and 139,149 people respectively)].

En conclusion, pour des raisons de santé publique, les auteurs invitent à mieux traiter les sources contaminées par les nitrates et/ou encore à mieux prévenir la contamination des sources [Future reductions in the number of violations and people served by systems in violation will require efforts to better treat contaminated source water and/or prevent further contamination of drinking water sources through source water protection measures].

Commentaire du blog

Créée sous la présidence de Richard Nixon en 1970 pour «protéger la santé humaine et sauvegarder les éléments naturels, l’air, l’eau et la terre, essentiels à la vie», l’EPA ou «Agence américaine de protection de l’environnement», (Washington, district de Columbia), s’est donné pour première mission d’«élaborer et faire respecter la règlementation sur l'environnement» [Cf. ici]. Il n’est pas étonnant que les auteurs, appartenant à son Bureau de Recherche et de Développement [Office of Research and Development], se penchent sur l’application de la directive américaine de 1962 ayant trait à la Concentration Maximale Admissible [CMA] en nitrate de l’eau de boisson, et ce sans s’interroger sur sa pertinence.

Les griefs qu’ils prennent à leur compte sans les discuter, la méthémoglobinémie du nourrisson, le cancer, les anomalies congénitales, les affections thyroïdiennes, sont, on le sait, scientifiquement infondés. De nombreuses rubriques de ce blog l’ont montré [Consulter RUBRIQUES PAR THEMES et RUBRIQUES PAR THEMES 2].

Des chiffres apportés par les auteurs, il ressort qu’en 22 ans, de 1994 à 2016, des dizaines de milliers de nourrissons américains ont été nourris avec des biberons préparés avec une eau d’adduction publique de teneur en nitrate supérieure à 44.3 mg NO3- l-1. L’article ne nous dit pas combien de méthémoglobinémies du nourrisson ont, durant ce laps de temps, été diagnostiquées dans les 48 Etats américains. Mais on peut légitimement supposer que si des cas de méthémoglobinémie du nourrisson consécutifs à la préparation d’un biberon avec une eau d’adduction publique avaient été enregistrés (ou si même un seul cas avait été enregistré), les auteurs, appartenant à l’Environmental Protection Agency [EPA], les auraient connus et signalés.

En réalité, on sait pourquoi des dizaines de milliers de violations de la teneur réglementaire de 44.3 mg NO3- l-1 dans l’eau d’adduction publique dans les 48 Etats de l’Union entre 1994 et 2016 n’ont donné lieu à aucun cas de méthémoglobinémie du nourrisson. L’eau d’adduction publique est bactériologiquement contrôlée. Elle contient toujours moins de 102 germes ml-1. Dans de telles conditions (moins de 106 germes ml-1), les ions nitrate NO3- présents dans le biberon ne peuvent aucunement être transformés en ions nitrite NO2-. Quelle que soit sa concentration en nitrate, que celle-ci soit inférieure ou supérieure à la CMA de 44.3 mg NO3- l-1 édictée en 1962 par les autorités administratives américaines, l’eau d’adduction publique n’a absolument pas la capacité de faire apparaître quelque méthémoglobinémie que ce soit chez le nourrisson.

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