Supplémentation en nitrate et mal aigu des montagnes

Rossetti, G., Wood, B., Wylie, L. and Oliver, S.J. (2017) Dietary nitrate supplementation increases acute mountain sickness severity and sense of effort during hypoxic exercise. Journal of Applied Physiology 123, 983-992

(voir l'abstract ici)

L’effet de la supplémentation en nitrate NO3- sur le mal aigu des montagnes et la performance physique en hypoxie a déjà été abordé dans trois rubriques précédentes [5 janvier 2013; 2 décembre 2015; 19 décembre 2016]. L’effet exact sur le mal aigu des montagnes mérite cependant d’être encore précisé.

En raison de l’attractivité de la haute montagne, on estime à 300 millions par an le nombre de nuitées en région alpine, à des centaines de milliers le nombre de sujets se rendant dans d’autres régions de haute altitude tels l’Himalaya et le Kilimandjaro. La moitié environ des personnes visitant des sites de haute altitude souffrent de symptômes s’apparentant au mal aigu des montagnes [Approximatively half of those that visit high altitude suffer from illnesses such as acute mountain sickness (AMS)]: nausées, vomissements, insomnie, fatigue, sensations vertigineuses, surtout céphalées.

L’étude des auteurs britanniques [Universités de Bangor (Galles du Nord) et d’Exeter (Devon), Royaume-Uni] concerne les effets de la supplémentation en nitrate NO3- sur les symptômes du mal aigu des montagnes ainsi que sur les réponses à l’exercice physique à l’occasion de 6 heures d’hypoxie.

20 hommes modérément entraînés, âgés en moyenne de 22 ans, participent à une étude randomisée en double aveugle contre placebo et cross over. Pendant deux périodes de 6 jours séparées par un wash out d’un minimum de 10 jours,  ils reçoivent:

- soit 70 ml par jour d’un jus de betterave déplété en nitrate apportant 0.2 mg de nitrate NO3- [groupe placebo],

- soit 70 ml par jour d’un jus de betterave riche en nitrate (Beet It Sport, James White drinks Ltd, Ipswich, UK) apportant 410 mg de nitrate NO3- [groupe Nitrate].

Au cinquième jour, comparativement au groupe placebo, la supplémentation par 410 mg de nitrate NO3- jour-1 accroît de 182 μM la concentration plasmatique en NOx (NO3- + NO2-).

Une échelle visuelle analogique de 100 mm permet de mesurer, chaque heure, l’intensité des céphalalgies. Un questionnaire de 11 items, l’«Environmental Symptoms Questionnaire» (ESQ) permet d’établir pour le mal aigu des montagnes dans son ensemble un score quantitatif, l’«Acute Cerebral Mountain Sickness (AMS-C) score»

Le cinquième jour, après 4 heures d’hypoxie (la fraction inspirée en oxygène (FIO2) de 0.124 correspondant à une altitude de 4219 mètres), la supplémentation de 410 mg de nitrate NO3- j-1 augmente, par comparaison au groupe placebo, la sévérité des céphalées ainsi que le score du mal aigu des montagnes: le score AMS-C [After 4h hypoxia (FIO2=0.124) nitrate increased AMS-C and headache severity (visual analogue scale (VAS); whole sample Δ10 [1,20] mm; p=0.03) compared to placebo].

En outre, après 5 heures d’hypoxie, comparativement au groupe placebo la supplémentation de 410 mg de nitrate NO3- j-1 augmente la sensation d’effort durant un exercice physique d’intensité submaximale, l’exercice consistant en une marche sur tapis roulant avec, sur les épaules, un sac à dos de 15 kg [In addition, after 5h hypoxia, nitrate increased sense of effort during submaximal exercise (Δ7 [-1, 14]; p=0.07)].

Le jour suivant, les sujets participent à un autre test en hypoxie avec une fraction inspirée en oxygène (FIO2) de 0.141, correspondant à une altitude de 3225 mètres. Comparativement au groupe placebo, la supplémentation de 410 mg de nitrate NO3- j-1 n’améliore pas le temps jusqu’à épuisement, du moins lorsque l’effort est effectué à 80% du VO2max [On the next day, in a separate acute hypoxic exercise test (FIO2=0.141), nitrate did not improve time to exhaustion at 80% hypoxic VO2max].

En conclusion, selon cette étude, alors qu’elle n’améliore pas vraiment les performances physiques en situation d’hypoxie, l’administration de nitrate NO3- accentue, par ailleurs, le risque d’apparition des symptômes du mal aigu des montagnes. Il est effectivement possible qu’accentuant la biodisponibilité en oxyde nitrique NO, l’administration de nitrate NO3-contribue ainsi à stimuler le système trigémino-vasculaire et à accentuer la vasodilatation cérébrale induite par l’hypoxie [Increasing the bioavailability of NO through dietary nitrate supplementation is likely to directly stimulate trigeminovascular afferents, and concurrently elevate hypoxia-induced cerebral vasodilation].

Chez le sujet non encore acclimaté à l’altitude, la supplémentation alimentaire en nitrate ne peut donc être véritablement recommandée, que le but fixé soit prophylactique à l’égard du mal aigu des montagnes ou qu’il soit simplement ergogénique [Therefore, dietary nitrate is not recommended as an acute mountain sickness (AMS) prophylactic or ergogenic aid in non-acclimatized individuals at altitude].

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