“A good thing”, comme l’indique seulement le titre

Ward, M.H. (2009) Too much of a good thing? Nitrate from nitrogen fertilizers and cancer. Reviews on Environmental Health 24, 357-363.

(voir l'abstract ici)

Dans sa dernier numéro trimestriel de 2009, consacré aux liens entre facteurs environnementaux et cancers, la publication israélienne «Reviews on Environmental Health» (Tel Aviv) présente un article de Mary H. Ward (National Cancer Institute, Bethesda, Maryland, USA).

L’auteur rappelle que des teneurs en nitrates supérieures à la limite réglementaire (45 mg NO3- l-1) étaient enregistrées dans 9 % des échantillons d’eau prélevés entre 1970 et 1992 dans les puits privés américains.

Elle fait état de deux publications ayant montré l’existence d’anomalies thyroïdiennes éventuellement liées aux nitrates de l’eau de boisson (Van Maanen, J.M. et coll., 1994; Tatjakova M. et coll., 2006).

Elle cite seize études  épidémiologiques (études de corrélation géographique, études cas-contrôles, études de cohorte) consacrées aux liens éventuels entre les apports en nitrates et les cancers, dont les conclusions sont contradictoires.

Considérant que la situation reste globalement incertaine, elle recommande des recherches complémentaires.

L’exposition aux nitrates pendant la vie intra-utérine pourrait en faire partie [Children have exposure starting with in utero exposure via maternal consumption of nitrate-contaminated tap water. The effects of early life exposures to nitrate will be an important area of research].

A ses yeux, il conviendrait d’étudier plus spécifiquement comment se forment les composés N-nitrosés dans l’organisme pour les valeurs intermédiaires, c’est-à-dire lorsque les teneurs en nitrates dans l’eau de boisson sont comprises entre 22,5 et 45 mg NO3- l-1 [Further studies are needed to determine to what extent nitrosation occurs in vivo at the intermediate levels (5-10 mg /l nitrate-N), observed in many public water supplies…]. Il faudrait de même clarifier les devenirs métaboliques respectifs des nitrates lorsqu’ils proviennent de l’eau de boisson et lorsqu’ils proviennent des aliments solides [… and to clarify the role of nitrate from water as compared with food sources].

De même, à ses yeux, il conviendrait de conduire des études comparatives chez les sujets sains et les sujets souffrant d’affections en mesure d’augmenter la nitrosation endogène, les sujets atteints de maladies inflammatoires intestinales étant, par exemple, selon elle, susceptibles, à cet égard, de constituer une sous-population à risque [Future biomonitoring studies should be conducted among healthy individuals as well as individuals with medical conditions, such as inflammatory bowel disease, that increase endogenous nitrosation, representing a potentially vulnerable subgroup of the population].

Commentaire du blog

La poursuite des recherches est, bien sûr, souhaitable et nécessaire.

Ceci étant, l’article peut être cause de déception.

Le titre «Too much of a good thing?» laisse entendre que l’auteur connaît les effets bénéfiques des nitrates, en particulier leurs effets favorables tant anti-infectieux digestifs que cardiovasculaires. Le lecteur est surpris de constater que, dans le texte, l’auteur omet totalement de les évoquer.

D’autres omissions sont à relever.

L’auteur ne dit pas un mot sur la synthèse endogène des nitrates, ou voie de la NO synthase. Elle n’explique pas au lecteur que la synthèse endogène des nitrates est fortement accrue lors des activités physiques et sportives ou lors des séjours en haute altitude (rubriques du 30 octobre et des 4 et 11 novembre 2009).

Elle ne cite pas les avis rendus en 1995 à propos de l’éventuel risque cancérigène des nitrates chez l’homme par le Comité Scientifique de l’Alimentation Humaine en Europe et par le Subcommittee on Nitrate and Nitrite in Drinking Water aux Etats-Unis (Cf. rubrique du 27 avril 2010), un risque qui n’est pas confirmé.

Lorsqu’elle fait état d’articles épidémiologiques, l’auteur donne l’impression de choisir ceux qui lui permettent d’exprimer son point de vue. Alors que, sur le sujet, les travaux à notre disposition sont plus nombreux (Cf. rubrique du 12 janvier 2010),  elle ne cite que deux articles sur les éventuelles répercussions thyroïdiennes des nitrates. Alors que la littérature médicale, sur cet autre chapitre, en contient plus de 80, elle ne cite que 16 articles épidémiologiques ayant trait aux liens éventuels entre les nitrates et les cancers.

On regrettera, en outre, que sa conception du métabolisme des nitrates chez le nourrisson soit quelque peu erronée. L’auteur écrit: «In the body, the oral bacteria (and stomach bacterial flora of infants) convert nitrate to nitrite». Le pH intragastrique du nourrisson est, en réalité, identique à celui de l’adulte. On sait, en réalité, que les conditions intragastriques, qu’il s’agisse de celles du nourrisson ou de celles de l’adulte, ne sont en rien propices, à une transformation microbienne, même partielle, des nitrates en nitrites.

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