Méta-analyse nitrate, nitrite, cancer

Xie, Mo, M., Jia, H.-X., Liang, F., Yuan, J. and Zhu, L. (2016) Association between dietary nitrate and nitrite intake and site-specific cancer risk: evidence from observational studies. Oncotarget. DOI: 10.18632/oncotarget.10917. 

(voir l'abstract ici)

La méta-analyse que présentent les auteurs chinois [Université Fudan, Shanghai] porte sur les études épidémiologiques consacrées aux liens éventuels entre:

- apports alimentaires en nitrate NO3- ou nitrite NO2-

- et risque de cancer.

A partir des bases de données de PubMed, ils retiennent:

- 49 études nitrate NO3- – cancer,

- dont 22 études prospectives

- et 28 études cas-contrôles

et 51 études nitrite NO2- – cancer

- dont 20 études prospectives

- et 32 études cas-contrôles.

Un total de 60627 cas de cancers sont analysés.

Nitrate-cancer

Si l’on compare les effets des plus importants apports alimentaires en nitrate à ceux des plus faibles, on constate une corrélation inverse entre les apports en nitrate et le risque d’apparition du cancer de l’estomac. Notée à partir de 15 études épidémiologiques, la corrélation est statistiquement significative [Comparing the highest vs. the lowest levels of dietary nitrate intake, statistically significant inverse association was observed for gastric cancer (RR = 0.78, 95%CI = 0.67-0.91)].

Nitrite-cancer

Si l’on compare les effets des plus importants apports alimentaires en nitrite à ceux des plus faibles, on constate une corrélation statistiquement positive entre d’une part les apports en nitrite, d’autre part les risques d’apparition du gliome de l’adulte et du cancer de la thyroïde [Individuals with highest nitrites consumption, compared with the lowest, increased the risk of adult glioma (RR = 1.21, 95%CI = 1.03-1.42) and thyroid cancer (RR = 1.52, 95%CI = 1.12-2.05)], ces corrélations étant notées à partir de 6 études consacrées au gliome de l’adulte et 2 au cancer de la thyroïde.

▪ Qu’il s’agisse des apports alimentaires en nitrate ou en nitrite, aucune corrélation statistiquement significative n’est par ailleurs enregistrée entre eux et le cancer du sein, le cancer de la vessie, le cancer du côlon et du rectum, le cancer de l’œsophage, le cancer du rein, le lymphome non-Hogkinien, le cancer de l’ovaire et le cancer du pancréas [No significant associations were found between dietary nitrate/nitrite and cancers of the breast, bladder, colorectal, esophagus, renal cell, non-Hodgkin lymphoma, ovarian and pancreas].

▪ Les auteurs sont conscients des limites de leur travail. Par exemple, ils font remarquer:

- le faible nombre d’études ayant porté sur les liens éventuels: apports en nitrite – gliome de l’adulte (6 études) et: apports en nitrite – cancer de la thyroïde (2 études) [In the present study, we observed higher consumption of food rich in nitrite probably increases the risk of adult glioma and thyroid cancer. However, it should be noted that only few studies were included for each cancer in our meta-analysis].

- et la faible fiabilité des questionnaires alimentaires utilisés [Although food frequency questionnaire (FFQ) has been widely used to capture habitual dietary intake, the accuracy of FFQ remains a concern].

Avec lucidité, ils conseillent de regarder ces résultats avec du recul. Ils appellent de leurs vœux des études complémentaires [Because of these limitations and confounding factors, we could not absolutely confirm the reliability of these findings. Future well-designed observational studies are warranted to further clarify the potential nitrate/nitrite and cancer association by subtypes and according to molecular classification].

Commentaire du blog

▪ Quelques rappels:

1) Les sources en nitrate NO3- et en nitrite NO2- ne sont pas seulement exogènes ou alimentaires. Elles sont aussi endogènes. Par exemple, l’alimentation apporte, en moyenne, 75 mg de nitrate NO3- par jour. Par la voie des NO synthases, la synthèse endogène fournit habituellement de 45 à 70 mg de nitrate NO3- par jour; celle-ci est fortement augmentée par les activités physiques et sportives, ainsi que par le séjour prolongé en altitude.

Jamais, chez les sujets soumis à analyse, une étude épidémiologique consacrée aux liens entre les nitrates ou les nitrites alimentaires et le cancer n’a pris en compte l’importance de la synthèse endogène correspondante.

2) A partir des nitrates et des nitrites alimentaires, la formation de nitrosamines dans la cavité gastrique est infime. La formation dans la cavité gastrique de nitrosodiméthylamine [NDMA] par exemple à partir des nitrites salivaires est plusieurs centaines de milliers de fois inférieure à sa dose sans effet chez la souris (comparaison de données émanant de Licht et Deen, 1988 et de Magee, 1989).

3) Les ions nitrite NO2- entrant dans l’estomac avant leur réaction avec les amines proviennent pour 20 %, directement, de l’alimentation et pour 80 % de la salive. Les ions nitrite salivaires proviennent, pour leur part, à la fois des nitrates alimentaires par l’intermédiaire de la circulation entérosalivaire et de la synthèse endogène en nitrate sous l’effet des NO synthases [Cf. rubriques des 23 et 27 septembre 2016].

▪ Depuis soixante ans, les études épidémiologiques tentent de démontrer une carcinogénicité des ions nitrate NO3- et nitrite NO2- qui n’existe pas. Il est normal qu’elles n’y parviennent pas.

▪ Comme à l’habitude, dans ce genre d’articles, se trouve à la fin le vœu classique et vain de voir de nouvelles études venir confirmer les soupçons.

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