Nitrates alimentaires – Un atelier de travail (2) (+ Analyse critique de «Cash Investigation»)

Ahluwalia, A., Gladwin, M., Coleman, G.D., Hord, N., Howard, G., Kim-Shapiro, D.B., Lajous, M., Larsen, F.J., Lefer, D.J., McClure, L.A., Nolan, B.T., Pluta, R., Schechter, A., Wang, C.-Y., Ward, M. and Harman, J.L. (2016) Dietary nitrate and the epidemiology of cardiovascular disease: report from a National Heart, Lung, and Blood Institute workshop. Journal of the American Heart AssociationDOI: 10.1161/JAHA.116.003402

(Suite)

Commentaire du blog

▪ Depuis 1941, d’article en article, la notion selon laquelle le pH intragastrique du nourrisson est plus élevé que celui de l’adulte ne cesse d’être répétée, sans jamais que la démonstration scientifique n’en soit apportée.

En réalité, lors de la naissance, l’estomac contient du liquide amniotique. A ce moment seulement, le pH intragastrique est compris entre 4.0 et 7.3. Il peut alors approcher de la neutralité, voire l’atteindre. Mais quelques heures plus tard, il a nettement baissé, et est en moyenne de 2.5 ou 3, avec des écarts compris entre 1.5 et 5.3 (Avery et coll., 1966; Reed, 1996). La concentration en acide chlorhydrique du suc gastrique du nourrisson est très voisine de celle de l’adulte (Luhby et coll., 1954).

De ce point de vue, le nourrisson ne diffère pas véritablement de l’enfant et de l’adulte. Si l’on fait exception des premières heures de la vie, les conditions intragastriques ne sont jamais chez l’homme réellement propices à une transformation microbienne, même partielle, des nitrates en nitrites.

▪ Depuis au moins 1994, la notion selon laquelle il conviendrait de mettre en œuvre des études portant tout spécialement sur des «sous-populations à risque» a tendance à être répétée à la fin d’articles sur l’éventuelle carcinogénicité des nitrates ou des nitrites. On la trouvait déjà sous la plume de C. Janzowski et G. Eisenbrand dans une contribution à un atelier international [Bilthoven (Pays Bas), novembre 1994].

Plus de vingt ans plus tard, elle est toujours énoncée, sans qu’aucune étude n’ait jamais cherché à passer des paroles aux actes.

En réalité, les nitrates ne sont pas seulement ingérés. Sous l’effet des NO-synthases, ils sont aussi constamment synthétisés dans nos cellules à partir de la L-arginine. La synthèse endogène des nitrates est nettement accrue lors des activités physiques et sportives, et également lors de la vie en altitude. Si les nitrates alimentaires faisaient vraiment courir un risque carcinogène à des «sous-populations à risque», il faudrait déconseiller aux mêmes «sous-populations à risque» de faire du sport ou de vivre en altitude, déduction, on le voit, déraisonnable.

▪ Le 13 septembre 2016, la chaîne France 2 diffusait dans la série «Cash Investigation» une émission intitulée: «Industrie agro-alimentaire, business contre santé». L’émission était présentée par une journaliste de renom: E. Lucet.

La thèse à charge était la suivante: «Les nitrites que l’on ajoute à la viande, et notamment au jambon, sont transformés dans l’estomac en nitrosamines. Les nitrosamines sont cancérigènes. Comme, pour sa part, la consommation de la viande augmente le risque de cancer, c’est donc les nitrites qui lui sont artificiellement ajoutés qui en sont responsables».

La thèse est, en grande partie, erronée pour les raisons suivantes:

- Les quantités de nitrosamines formées dans l’estomac à partir des nitrates et nitrites alimentaires ingérés sont infimes. Rapportées au poids, elles sont 500000 fois inférieures à la dose cancérigène chez l’animal.

- Les études chez l’animal n’ont jamais montré d’augmentation réelle du risque de cancer sous l’effet des nitrates ou des nitrites alimentaires.

- Comme le rappellent les auteurs de l’article analysé dans la rubrique précédente [23 septembre 2016], les nitrites alimentaires, présents notamment dans le jambon et les viandes, ne sont à l’origine que de 20 % des nitrites pénétrant dans la cavité de l’estomac. 80 % des nitrites intragastriques (quatre fois plus) proviennent en réalité des nitrites salivaires. Après leur réduction sous l’effet des nitratoréductases bactériennes, les nitrites salivaires proviennent, eux-mêmes, des nitrates salivaires. Les nitrates salivaires proviennent des nitrates plasmatiques, et les nitrates plasmatiques proviennent des nitrates alimentaires et de la synthèse endogène des nitrates par la voie des NO-synthases. 80 % environ des nitrates alimentaires sont fournis par les légumes. Si nous considérons les nitrites NO2- parvenant dans l’estomac avant leur rencontre avec les amines, nous notons ainsi que:

- 20 % d’entre eux proviennent des nitrites NO2- présents dans les viandes,

- et une proportion plus importante, sans doute environ 30 %, proviennent des nitrates NO3- des légumes.

La charge contre les nitrites apportés lors de la salaison des viandes est dénuée de toute base scientifique.

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