Supplémentation en nitrate et athérosclérose

Marsch, E., Theelen, T.L., Janssen, B.J.A., Briede, J.J., Haenen, G.R., Senden, J. M.G., van Loon, L.J.C., Poeze, M., Bierau, J., Gijbels, M.J., Daemen, M.J.A.P. and Sluimer, J.C. (2016) The effect of prolonged dietary nitrate supplementation on atherosclerosis development. Atherosclerosis 245, 212-221

Ramms, B. and Gordts, P.L.S.M. (2016) Dietary nitrate struggles in atherosclerosis. Atherosclerosis 245, 71-73

(voir l'abstract de l'article de Marsch et coll. ici) 

(voir la référence de l'article de Ramms et coll. ici)

Les auteurs néerlandais [Maastricht; Amsterdam] présentent une étude expérimentale effectuée chez 30 souris génétiquement déficientes en récepteur LDL [Low density lipoprotein receptor knockout (LDLr-/-)], âgées de 9 semaines.

Les souris, dont la susceptibilité au développement de l’athérosclérose est accrue, reçoivent pendant 14 semaines un régime alimentaire standard. Pendant le même temps, leur eau de boisson contient

- soit 730 mg de nitrate NO3- l-1, sous forme de nitrate de sodium,

- soit une dose équimolaire de chlorure de sodium NaCl (souris témoins)

Selon les auteurs, chez la souris, les apports en nitrate NO3- à partir d’une eau de boisson contenant 730 mg de nitrate sont équivalents, chez l’homme, aux apports en nitrate provenant d’un régime riche en légumes [Dietary nitrate at a dose of 1 g/L is the most common dose described to increase plasma nitrate levels, and corresponds to a physiological nitrate intake achieved by a vegetable-rich diet in humans].

Chez les souris qui reçoivent une eau de boisson riche en nitrate, les concentrations plasmatiques en nitrate NO3- et en nitrite NO2- sont maximales lors du contrôle effectué à J14. Elles diminuent ensuite progressivement lors des contrôles suivants, effectués à 6, 10 et 14 semaines.

A 2, 6, 10 et 14 semaines, comparativement aux concentrations observées chez les souris témoins,

- les concentrations plasmatiques en nitrate NO3- des souris recevant l’eau riche en nitrate, sont, en moyenne et respectivement, 6.1, 6.0, 5.2 et 1.7 fois supérieures.

- les concentrations plasmatiques en nitrite NO2- des souris recevant l’eau riche en nitrate, sont, en moyenne et respectivement, 3.0, 2.4, 2.0 et 1.3 fois supérieures.

Chez les souris qui reçoivent une eau riche en nitrate, la raison de cette diminution au fil du temps des concentrations plasmatiques en nitrate NO3- et en nitrite NO2- nitrate n’apparaît pas évidente aux yeux des auteurs. Les vérifications auxquelles ils procèdent leur permet d’éliminer une diminution d’activité de la NO synthase endothéliale, d’éliminer aussi une augmentation de transformation des ions nitrate NO3- et nitrite NO2- en ions peroxynitrite ONOO- ou autres métabolites [This compensation was not due to altered eNOS activity or conversion into peroxynitrite and other RNI […]]. Ils envisagent la possibilité d’une diminution de la transformation des ions nitrate NO3- en ions nitrite NO2- ou encore une augmentation de leur élimination rénale [[…] suggesting reduced nitrite formation or enhanced nitrate/nitrite clearance].

Par ailleurs, les auteurs effectuent diverses vérifications:

- hémogramme,

- hématocrite

- volume globulaire moyen [VGM]

- concentration globulaire moyenne en hémoglobine [CGMH]

- teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine [TCMH]

- formule leucocytaire

- numération des cellules lymphocytaires B et T

- numération plaquettaire,

- tension artérielle, systolique et diastolique

- concentration plasmatique en cholestérol

- concentration plasmatique en triglycérides

- étude des parois aortiques, en différents emplacements, à la recherche de plaques d’athérosclérose

- recherche d’éventuelles atteintes tumorales.

Chez les souris ayant consommé pendant 14 semaines une eau riche en nitrate, les recherches ne détectent aucune anomalie particulière.

Les auteurs concluent que, chez la souris, une supplémentation prolongée en nitrate NO3-

- n’a pas d’influence sur l’athérogènèse,

- et est dénuée d’effets secondaires indésirables.

[Prolonged dietary nitrate supplementation […] did not affect atherogenesis or exert systemic side effects].

Dans la discussion, ils montrent qu’ils sont prêts à changer d’avis sur la supposée carcinogénicité chez l’homme. des nitrates alimentaires. Le principal grief à leur encontre, expliquent-ils, était le risque de cancer, notamment gastrique, en raison de la formation de nitrosamines. D’où les réglementations administratives dans l’eau et la viande. Des travaux plus récents ont montré leurs nombreux effets bénéfiques, ce qui amène à revoir la façon de voir ancienne [The main concern of nitrate supplementation used to be cancer cevelopment, in particular stomach cancer, due to a reaction of nitrite with dietary amines resulting in carcinogenic nitrosamines. This has led to adjustments in policies of nitrate supplementation in water and processed meat. More recent evidence points at the many health benefits of nitrate supplementation, thereby changing the classic view on dietary nitrate supplementation].

Commentaire du blog

Chez les souris qui consomment l’eau de boisson riche en nitrate à la concentration de 730 mg NO3- l-1, la diminution des concentrations plasmatiques en nitrate [NO3-] et en nitrite [NO2-] au long de l’expérience surprend. Pour savoir si le phénomène n’est pas simplement consécutif à une diminution des apports, on aurait aimé connaître la quantité d’eau de boisson consommée par les souris au fil des semaines.

Les auteurs concluent chez la souris à une absence d’effet des nitrates alimentaires sur l’athérogénèse. On rappellera cependant l’étude de Shuval et Gruener (1977), déjà signalée dans la rubrique du 6 septembre 2015. Avec une concentration double de nitrate NO3- dans l’eau de boisson (1460 mg NO3- l-1) pendant, non pas 14 semaines, mais 18 mois, les auteurs israéliens avaient montré chez le rat des effets assez nets sur les artères coronaires, lesquelles étaient devenues plus fines et dilatées.

Les deux collègues américains [B. Ramms et P.L.S.M. Gordts (La Jolla, Californie)], qui présentent aux lecteurs de la revue le travail des auteurs néerlandais, éprouvent, semble-t-il, des difficultés à abandonner l’idée ancienne de la carcinogénicité des nitrates alimentaires chez l’homme. Il reste à évaluer, disent-ils, dans quelle mesure les constatations faites chez l’animal sont transposables chez l’homme [Yet, it remains to be evaluated how these preclinical observations translate to human patients]. Apparemment, ils n’ont pas pris connaissance des multiples études épidémiologiques effectuées chez l’homme. Comme l’ont fait remarquer dès 1995 le Comité Scientifique de l’Alimentation Humaine en Europe et le Subcommittee on Nitrate and Nitrite in Drinking Water aux Etats-Unis, les nombreuses études effectuées chez l’homme n’ont pas réussi à démontrer une quelconque association entre les apports alimentaires en nitrate NO3- et le risque cancérigène.

This entry was posted in Effet bénéfique cardiovasculaire, Etude expérimentale and tagged , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Bookmark the permalink.

Comments are closed.