Nitrates et magnésium

Chiu, H.F., Tsai, S.-S., Wu, T.-N. and Yang, C.-Y. (2010) Colon cancer and content of nitrates and magnesium in drinking water. Magnesium Research 23, 1-9.

(voir l'abstract ici)

Les études épidémiologiques ayant cherché à déterminer s’il existe ou non un lien entre les teneurs en nitrates de l’eau de boisson et le risque d’apparition du cancer du côlon sont, semble-t-il, à ce jour, au nombre de cinq. Entre la teneur en nitrates de l’eau de boisson et l’incidence du cancer colique, l’une d’elles conclut à une association statistique positive (Gulis et coll., 2002). Les quatre autres ne détectent pas d’association statistique significative (Morales et coll., 1993 ; Yang et coll., 2007 ; De Roos et coll., 2003 ; Mc Elroy et coll., 2008).

Trois études épidémiologiques ont, de même, cherché à déterminer s’il existe ou non un lien entre les apports alimentaires en magnésium et le risque d’apparition du même cancer. Deux études ont conclu à une association statistique négative (Larsson et coll , 2005 ; Folsom et coll., 2006). La troisième ne détecte pas d’association significative (van den Brandt et coll., 2007).

En comparant les dossiers de 3 707 patients décédés entre 2003 et 2007 de cancers du côlon à ceux de 3707 patients témoins décédés, pendant la même période, de pathologies autres, les auteurs taiwanais se proposent de déterminer si les taux en magnésium de l’eau de boisson ont le pouvoir ou non de modifier l’éventuel lien entre les taux en nitrates de l’eau de boisson et le risque du cancer du côlon.

Globalement, ils ne trouvent pas de lien évident entre la teneur en nitrates de l’eau de boisson et la mortalité par cancer du côlon. Les teneurs moyennes en nitrates de l’eau de boisson sont respectivement de 1,984 et de 1,922 mg NO3- l-1 chez les patients avec et sans cancer du côlon.

Par contre, lorsqu’ils sélectionnent les sujets consommant une eau de boisson à la fois riche en nitrates (entre 2,5 et 12,6 mg NO3- l-1) et pauvre en magnésium (<9,36 mg l-1), le risque d’apparition de cancer du côlon leur apparaît multiplié par un facteur avoisinant les 50% (Odds ratio : 1.47).

Les auteurs concluent que les données qu’il leur a été possible de recueillir suggèrent que les taux de magnésium dans l’eau de boisson ont le pouvoir de modifier les effets des expositions aux nitrates sur le risque d’apparition du cancer du côlon [In summary, our data suggest that Mg in drinking water modified the effets of nitrate exposure on colon cancer risk].

Ils se disent cependant conscients des limites de leur étude. Les taux de nitrates et de magnésium retenus dans l’étude sont ceux de l’eau de canalisation urbaine au lieu de résidence pendant la seule année 1990. Des facteurs susceptibles de jouer un rôle comme la plus ou moins grande consommation de viandes et de graisses ou la plus ou moins grande activité physique n’ont pas été pris en considération. D’autres études [future studies] sont envisagées.

Commentaires du blog

L’intérêt de cette étude peut être discuté.

Qu’il s’agisse des nitrates ou du magnésium, on observe que, dans leur étude, les auteurs taiwanais ne prennent en compte qu’une fraction tout à fait minoritaire des apports.

Les teneurs en nitrates de l’eau de boisson consommée par les patients étudiés sont faibles : en moyenne 1,95 mg NO3- l-1, alors que des légumes comme les salades ou les betteraves contiennent habituellement entre 1000 et 3000 mg NO3- kg-1 et que les apports alimentaires en nitrates sont habituellement estimés aux alentours de 70 mg NO3- jour-1.

On sait qu’en outre, les nitrates sont l’objet d’une synthèse endogène permanente, comprise, au repos, entre 45 et 70 mg NO3- jour-1. Cette synthèse endogène augmente encore à l’occasion des efforts physiques et des activités sportives.

De même, les teneurs en magnésium de l’eau de boisson consommée par les patients de l’étude sont modestes : en moyenne, 11,2 mg l-1, alors que celles d’aliments comme les légumes verts, les fruits, les noix ou certaines céréales sont beaucoup plus importantes (une banane est réputée apporter à elle seule 45 mg de magnésium) et que les apports quotidiens, ou habituels ou recommandés, sont compris entre 300 et 350 mg jour-1.

On a peine à imaginer qu’un enseignement fiable puisse être obtenu à partir de données si fragmentaires.

This entry was posted in Etude épidémiologique, Grief carcinologique, Griefs and tagged , , , , , , , , , , , , . Bookmark the permalink.

Comments are closed.