Apports nitratés et vieilles erreurs

Inoue-Choi, M., Virk-Baker, M., Aschebrook-Kilfoy, B., Cross, A., Subar, A.F., Thompson, F.E., Sinha, R. and Ward, M.H. (2015) Development and calibration of a dietary nitrate and nitrite database in the NIH-AARP Diet and Health Study. Public Health Nutrition Dec2:1-10

(voir l'abstract ici)

Les auteurs sont américains [Rockville et Bethesda, Maryland, USA] et britannique [Londres, Royaume-Uni].

L’AARP, anciennement «American Association of Retired Persons», est une association non gouvernementale regroupant des sujets âgés de plus de 50 ans.

La «NIH-AARP Diet and Health Study» est une étude effectuée par l’un des Instituts américains de la Santé [National Institutes of Health – NIH], l’Institut américain du Cancer [National Cancer Institute]. Par l’intermédiaire de questionnaires envoyés en 1995 et 1996 aux membres de l’AARP, l’étude s’est donné pour but de mieux comprendre les liens entre alimentation et santé.

Reprenant les réponses au questionnaire de 1942 membres de l’AARP, les auteurs évaluent les apports quotidiens en nitrate NO3- des sujets américains de plus de 50 ans.

Ils l’évaluent, en moyenne, à 68.9 mg NO3- j-1 chez l’homme, à 74.1 mg NO3- j-1 chez la femme.

Dans cette étude américaine, les aliments les plus pourvoyeurs en nitrate NO3- sont, chez l’homme comme chez la femme, la laitue ainsi que légumes verts et les épinards cuits [cooked spinach/greens].

- La consommation de laitue est à l’origine, à elle seule, de, respectivement, 27.4 et 32.1 % des apports nitratés, chez l’homme et chez la femme.

- La consommation de légumes verts et d’épinards cuits [cooked spinach/greens] est à l’origine, à elle seule, de, respectivement, 8.8 et 10.4 % des apports nitratés, chez l’homme et chez la femme.

- Les 18 autres aliments cités sont de plus faibles pourvoyeurs en nitrate. Ils sont, chacun, à l’origine de moins de 4.4 % des apports nitratés.

- Les apports provenant de l’eau de boisson ne sont pas précisés.

Dans leur introduction, les auteurs écrivent:

▪ Une fois ingérés, les nitrates peuvent être réduits en nitrites par les bactéries de la cavité buccale [Once ingested, nitrate can be reduced to nitrite by the oral bacteria].

▪ Une plus grande transformation endogène des nitrates en nitrites et de plus forts apports alimentaires en nitrite peuvent augmenter la formation endogène de composés N-nitrosés et, de ce fait, le risque individuel de cancer [Elevated levels of endogenously formed nitrite from nitrate and higher intake of dietary nitrate may increase endogenously NOC formation and thus individuals’ risk for cancer].

▪ Bien que les nitrates venant des légumes et de l’eau de boisson puissent, les uns et les autres, être réduits en nitrites dans l’organisme, les nitrates provenant des légumes sont vraisemblablement à l’origine de la formation endogène d’une quantité moindre de composés N-nitrosés dans la mesure où ils contiennent des inhibiteurs de la nitrosation [Although nitrate from both vegetables and drinking water undergoes reduction to nitrite in the body, nitrate from vegetables probably results in less endogenous NOC formation because of the presence of inhibitors of nitrosation].

Commentaire du blog

Les trois propositions relevées dans l’introduction de l’article sont incorrectes ou inexactes.

1) Une fois ingérés, les nitrates de l’alimentation ne restent qu’un court moment dans la cavité buccale. Ils sont immédiatement déglutis et arrivent inchangés, sous forme d’ions nitrate NO3-, dans l’estomac. Absorbés dans l’estomac et la partie haute de l’intestin grêle, ils arrivent dans la circulation sanguine. Les ions nitrate NO3- plasmatiques sont ensuite, pour une grande part, éliminés passivement par voie rénale. Une autre partie est excrétée activement par les glandes salivaires dans la salive. Lors de leur deuxième passage, sous forme salivaire, dans la cavité buccale, à l’occasion de ce qu’on nomme la circulation entérosalivaire, les ions nitrate stagnent. Ils ont le temps d’être en contact avec l’importante flore bactérienne buccale [108 germes ml-1]. Une partie des ions nitrate salivaires sont alors transformés en ions nitrite NO2- salivaires.

2) La formation endogène de composés N-nitrosés à partir des nitrates alimentaires mérite d’être quantifiée. Lorsque l’on quantifie la formation de composés N-nitrosés à partir des nitrates alimentaires, on s’aperçoit qu’elle est absolument infime. Chez l’homme, selon Licht et Deen (1998), elle est, par exemple, pour la nitrosodiméthylamine [NDMA], de 0.00148 µg j-1, soit pour un adulte de 70 kg de 0.000021 µg kg-1 j-1 Chez la souris, on estime, pour la nitrosodiméthylamine [NDMA], que la dose sans effet est de 10 µg kg-1 j-1. La quantité de nitrosodiméthylamine [NDMA] formée chaque jour chez l’homme à partir des nitrates d’origine alimentaire est ainsi, rapportée au poids, près de 500000 fois inférieure à la dose sans effet chez la souris.

3) Comme on l’a vu au premier paragraphe du commentaire, les nitrates d’origine alimentaire ne sont transformés en nitrites dans la cavité buccale que lors de leur deuxième passage à l’occasion de leur cycle entérosalivaire. Les nitrates puisés dans le plasma pour être excrétés dans la salive viennent, en réalité, à la fois des apports exogènes et de la synthèse endogène (voie des NO synthases).

Par ailleurs, il faut des doses pharmacologiques très importantes de vitamine C (1000 à 2000 mg) pour inhiber la nitrosation de 50 à 63 % (Kyrtopoulos et coll., 1991). En physiologie, les doses en jeu sont bien inférieures. Les apports alimentaires quotidiens en vitamine C recommandés sont de 30 à 80 mg. Quant à elle, la sécrétion quotidienne de vitamine C dans l’estomac est estimée à 60 mg (Rathbone et coll., 1989). 

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