Nitrates alimentaires et protection à l’égard du cancer de l’estomac

Song, P., Wu, L. and Guan, W. (2015) Dietary nitrates, nitrites, and nitrosamines intake and the risk of gastric cancer: a meta-analysis. Nutrients 7, 9872-9895

(voir l'abstract et le texte entier ici)

Depuis plusieurs dizaines d’années, l’incidence mondiale du cancer de l’estomac est en légère baisse. Cependant, en 2012, on estimait encore à environ 1 million le nombre de nouveaux cas de cancer de l’estomac dans l’année, et à 700 000 le nombre de décès lui étant directement imputables. Le cancer de l’estomac est ainsi, dans le monde:

- le cinquième cancer le plus fréquent, en matière d’incidence

- le troisième cancer le plus fréquent, en matière de mortalité.

Les auteurs chinois [Nankin, Jiangsu, Chine centrale] présentent une méta-analyse consacrée aux liens éventuels entre

- d’une part les apports alimentaires en nitrate NO3-, en nitrite NO2- ou en nitrosamines,

- et, d’autre part, le risque d’apparition du cancer gastrique.

Entre 1985 et 2013, ils prennent en considération 22 articles, provenant principalement d’Europe et d’Amérique du Nord. Les 22 articles rapportent un total de 49 études épidémiologiques:

- 19 études ont trait aux nitrates NO3-,

- 19 études ont trait aux nitrites NO2-,

- 11 études ont trait à la nitrosodiméthylamine [NDMA].

Dans les 22 articles, on distingue:

- 7 études de cohorte prospectives;

- 15 études cas-contrôles.

Avec la méthode statistique utilisée (tirée d’Orsini et coll., 2012), les résultats obtenus sont les suivants:

1) Les apports élevés en nitrite NO2- ainsi que les apports élevés en nitrosodiméthylamine [NDMA] semblent, les uns et les autres, augmenter le risque d’apparition du cancer de l’estomac [High intakes of nitrites and NDMA resulted in an elevated risk of cancer]. Le risque relatif du cancer de l’estomac est ainsi évalué à 1.31 (intervalle de confiance à 95 %: 1.13-1.52) avec les nitrites NO2-, à 1.34 (intervalle de confiance à 95 %: 1.02-1.76) pour la nitrosodiméthylamine [The summary relative risk of stomach cancer for the highest categories compared with the lowest was […] 1.31 (95%CI, 1.13-1.52) for nitrites, and 1.34 (95% CI, 1.02-1.76) for NDMA].

2) A l’inverse, la consommation d’aliments riches en nitrate NO3- semble corrélée à une diminution du risque d’apparition du cancer de l’estomac [We found that consumption of food rich in nitrates was related to a decreased risk of gastric cancer]. Avec les nitrates NO3-, le risque relatif du cancer de l’estomac est évalué à 0.80 (intervalle de confiance à 95 %: 0.69-0.93) [The summary relative risk of stomach cancer for the highest categories compared with the lowest was0.80 (95%CI, 0.69-0.93) for dietary nitrates intake].

Selon le auteurs, la relation inverse entre les apports alimentaires en nitrate NO3- et le risque d’apparition du cancer de l’estomac s’observe principalement lorsque les apports alimentaires en nitrate NO3- sont relativement importants, compris entre 66 et 220 mg NO3- j-1 [The dose-response analysis further showed that the inverse association between nitrates and stomach cancer appeared to be pronounced with nitrate intake level ranged from about 66.4 to 220 mg/day].

Ainsi, au vu de cette méta-analyse, des consommations importantes de nitrate NO3- exerceraient des effets protecteurs à l’égard du cancer de l’estomac [In the present study, high nitrates consumption demonstrated a protective effect for gastric cancer […]].

Les auteurs préfèrent conclure avec une certaine prudence. Des causes d’erreurs dans l’analyse étant possibles, ils ne sentent pas en mesure d’être catégoriques. Ils souhaitent à l’avenir de grandes études prospectives [Considering the limitations and confounding factors, we could not absolutely confirm the reliability of these findings. More well-designed large prospective studies are needed to help us understand these substances in the etiology of gastric cancer].

Commentaire du blog

L’objectif des nombreuses études épidémiologiques ayant cherché, au cours des dernières décennies, à vérifier l’existence d’un lien entre l’importance des apports alimentaires en nitrate NO3- et le risque de cancer gastrique était, semble-t-il, de détecter une éventuelle corrélation positive. Une telle corrélation positive aurait, en effet, pu justifier les réglementations administratives à l’égard des nitrates de l’alimentation, édictées entre les années 1960 et 1990.

Avec cette méta-analyse on voit qu’il n’en est rien. La tendance est plutôt à la corrélation négative.

Cette tendance à la corrélation négative n’est pas étonnante. En effet:

- 1) 80 % de nos apports alimentaires en nitrate NO3- proviennent des légumes,

- 2) une consommation accrue de légumes est fortement associée à une réduction du risque d’apparition de la plupart des cancers.

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