Supplémentation prolongée en nitrate chez la souris: pas de toxicité

Hezel, M.P., Liu, M., Schiffer, T.A., Larsen, F.J., Checa, A., Wheelock, C.E., Carlström, M. Lundberg, J.O. and Weitzberg, E. (2015) Effects of long-term dietary nitrate supplementation in mice. Redox Biology 5, 234-242

(voir l'abstract ici)

Paradoxalement, alors que, jadis, les ions nitrates NO3- d’origine alimentaire étaient considérés comme toxiques, il s’avère que les légumes en constituent la source la plus importante [A paradox regarding the proposed harmful effects of dietary nitrate is the fact that vegetables are the greatest source of this anion].

L’étude expérimentale menée par une équipe du Karolinska Institute [Stockholm, Suède] cherche à vérifier si, chez la souris, une supplémentation alimentaire prolongée en nitrate est, ou non, suivie d’effets défavorables.

Pendant 18 mois, 27 souris mâles initialement âgées de 6 semaines consomment une eau de boisson contenant:

- soit 1 mmol l-1 de chlorure de sodium (NaCl), à titre de contrôle,

- soit 62 mg l-1 (1 mmol l-1) de nitrate NO3-, sous forme de nitrate de sodium (NaNO3).

De multiples vérifications sont effectuées au cours et à la fin de la période de supplémentation.

Chez les souris soumises à la supplémentation en nitrate et chez les souris contrôles, on note de très nombreux résultats similaires. Les résultats similaires concernent:

- la courbe de poids,

- la répartition entre tissu graisseux et tissu maigre,

- les poids d’organes tels cœur, foie, pancréas, reins et gonades,

- les teneurs plasmatiques en leptine, en glucagon (sous forme active de glucagon-like peptide 1 (GLP-1)), en insuline, en thyroxine (T4),

- la consommation en oxygène et le quotient respiratoire (QR = VCO2/VO2),

- les tensions artérielles systolique, diastolique et moyenne,

- la réponse vasodilatatrice endothélium-indépendante au nitroprussiate de sodium et la réponse endothélium-dépendante à l’acétylcholine,

- des marqueurs plasmatiques de l’inflammation comme l’interféron-gamma, l’interleukine-1 bêta, l’interleukine-6, le KC/GRO (homologue de l’interleukine-8 chez la souris) et l’interleukine 12 p70,

- ou encore l’activité intra-tissulaire de la nicotinamide adénine dinucléotide phosphate [NADPH] oxydase.

Quelques différences entre les deux groupes sont cependant constatées. Par rapport aux souris témoins, les souris avec supplémentation prolongée en nitrate ont tendance à avoir:

- lors du test de tolérance intrapéritonéale à l’insuline effectué au 17ème mois, une réponse à l’insuline améliorée,

- une diminution de la teneur plasmatique en triiodothyronine (T3),

- une diminution de la teneur plasmatique en interleukine-10,

- et une plus longue durée de vie: en moyenne, 640 versus 600 jours.

Chez un homme de 75 kg, tandis que les apports en nitrate NO3- fournis aux souris contrôles correspondent approximativement à une consommation de 26 mg NO3- j-1, les apports en nitrate NO3- aux souris soumises à la supplémentation en nitrate correspondent approximativement à une consommation de 350 mg NO3- j-1, celle d’un régime végétarien [Our calculations extrapolating average mouse nitrate consumption to a 75 kg person would yield approximately 16.1 mg nitrate per day on the control diet and 350 mg/day on the nitrate diet […] Vegetarians often ingest more nitrate so the treatment regimen may be more representative of a vegetarian diet].

La conclusion des auteurs suédois est la suivante. Dans leur étude, chez la souris, une supplémentation alimentaire

- relativement importante en nitrate,

- et prolongée durant la plus grande partie de la vie,

n’est suivie d’aucun effet toxique détectable [The findings in this study do not support any long-term toxic effects of dietary nitrate].

De nouvelles études leur apparaissent cependant nécessaires. La diminution de la teneur plasmatique en interleukine 10, l’amélioration de la tolérance à l’insuline et la plus longue survie méritent confirmation. De même, il serait souhaitable que ce genre d’expérimentation fasse maintenant appel à des apports en nitrate quantitativement divers, de manière à préciser la supplémentation en nitrate optimale [Intriguing results of decreased plasma […] IL-10 and improved insulin tolerance and survival will need to be confirmed in larger follow-up studies. Studies exploring different doses of nitrate supplementation will yield better indications for optimal supplementation].

Commentaire du blog

On regrettera que, dans leur article, les auteurs suédois ne fassent pas mention de l’état du système artériel des souris, notamment de celui des artères coronaires.

En 1977, H.I. Shuval et N. Gruener* étudient les modifications des artères coronaires de rats (longévité naturelle: 2 à 3 ans) soumis pendant 18 mois à une exposition aux nitrites et aux nitrates. Alors que chez la plupart des animaux témoins, les vaisseaux coronariens sont l’objet d’un épaississement, souvent même d’une hypertrophie et d’un rétrécissement marqués, les artères coronaires des animaux exposés de manière chronique aux nitrites ou aux nitrates sont, au contraire, fréquemment fines et dilatées. De telles constatations expérimentales évoquent fortement un effet préventif au long cours des ions nitrate NO3- et nitrite NO2- à l’égard de l’athérosclérose coronaire liée à l’âge [Cf. rubriques des 17 avril et 15 octobre 2011, du 11 juillet 2012 et du 5 novembre 2014].

* Shuval, H.I. and Gruener, N. (1977) Health Effects of Nitrates in Water. Report EPA-600/1-77-030 US. Environmental Protection Agency, Cincinnati, Ohio, USA

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