Nitrate et champignons

Bobics, R., Krüzselyi, D. and Vetter, J. (2015) Nitrate content in a collection of higher mushrooms. Journal of the Science of Food and Agriculture. Sous presse.

(voir l'abstract ici)

Les auteurs travaillent dans le département de botanique de l’Université Saint-Etienne 1er de Hongrie [Budapest]. Ils mesurent les concentrations en nitrate NO3- dans 134 échantillons de 54 espèces de champignon différentes.

Ils étudient successivement:

- les champignons comestibles saprotrophes,

- les champignons comestibles mycorhiziens,

- les champignons «décomposeurs»,

- les champignons de couche,

- et les champignons présentés en conserve.

1) Les champignons comestibles saprotrophes (autrefois dénommés saprophytes) décomposent la matière organique morte et s’en nourrissent. Les auteurs effectuent leurs mesures sur 54 échantillons issus de 19 espèces différentes. Les concentrations en nitrate sont comprises entre 151 et 12715 mg NO3- kg-1 de matière sèche (m. sèche).

Classées par ordre décroissant, les concentrations les plus élevées en nitrate sont enregistrées dans les sept espèces suivantes, que les auteurs qualifient d’«accumulatrices» […seven «accumulator» species]:

- Lepista irina (Tricholome à odeur d’iris):         en moyenne, 7238 mg NO3- kg-1 de m. sèche,

- Clitocybe nebularis (Clitocybe nébuleux):        en moyenne, 6983 mg NO3- kg-1 de m. sèche,

- Lepista nuda (Tricholome pied bleu):               en moyenne, 5844 mg NO3- kg-1 de m. sèche,

- Lepista personata (Tricholome pied violet):     en moyenne, 5558 mg NO3- kg-1 de m. sèche,

- Macrolepiota rhacodes (Lépiote déguenillée): en moyenne, 1877 mg NO3- kg-1 de m. sèche,

- Clitocybe odora (Clitocybe odorant):               en moyenne, 1766 mg NO3- kg-1 de m. sèche,

- Macrolepiota procera (Lépiote élevée):           en moyenne, 627 mg NO3- kg-1 de m. sèche.

Dans les autres espèces, les concentrations en nitrate sont plus modérées, comprises en général entre 200 et 300 mg NO3- kg-1 de m. sèche. Dans le Craterellus cornucopioides, mieux connu sous le nom de «trompette de la mort», la concentration moyenne en nitrate est encore inférieure: 174 mg NO3- kg-1 de m.sèche.

2) Les champignons comestibles mycorhiziens sont associés à une racine dans un mycorhize. Les auteurs effectuent leurs mesures sur 27 échantillons issus de 13 espèces différentes. Les concentrations en nitrate sont, dans l’ensemble, faibles, assez homogènes, comprises, en moyenne, entre 137 et 507 mg NO3- kg-1 de m. sèche.

Dans le Tuber aestivum, connu sous le nom de truffe blanche d’été, ou encore truffe de la Saint Jean, la concentration moyenne en nitrate est de 165 mg NO3- kg-1 de m.sèche.

3) Les champignons «décomposeurs» sont ceux qui se nourrissent de bois mort. Les auteurs effectuent leurs mesures sur 22 échantillons issus de 13 espèces différentes. Les concentrations en nitrate s’échelonnent, en moyenne, entre 131 et 343 mg NO3- kg-1 de m. sèche. Pour l’ensemble du groupe, la teneur moyenne est de 229 mg NO3- kg-1 de m. sèche.

4) Pour les champignons de couche ou champignons cultivés, les auteurs effectuent leurs mesures sur 31 échantillons issus de 9 espèces différentes. Les teneurs en nitrate s’échelonnent entre 140 et 1011 mg NO3- kg-1 de matière sèche, avec une moyenne de 334 mg NO3- kg-1 de m. sèche.

Dans l’Agaricus bisporus, connu sous le nom de champignon de Paris, la concentration moyenne en nitrate est de 563 mg NO3- kg-1 de m. sèche.

5) Certains champignons peuvent aussi être présentés en conserve. Les auteurs effectuent leurs mesures sur 6 échantillons issus de 4 espèces différentes. Peu élevées, les teneurs en nitrate s’échelonnent entre 144 et 231 mg NO3- kg-1 de m. sèche.

Dans leurs commentaires, les auteurs hongrois rappellent que la Dose Journalière Admissible (édictée par le Comité d’experts sur les Additifs alimentaires de l’OMS et de la FAO (JECFA) ainsi que par le Comité Scientifique de l’Alimentation Humaine (CSAH) de la Commission des Communautés européennes) est de 3.7 mg NO3- kg-1 de poids corporel jour-1, c’est-à-dire, pour un sujet de 70 kg, de 255 mg NO3- jour-1.

Or l’ingestion de 100 grammes de m. sèche du champignon comestible saprotrophe le plus riche en nitrate de la série, le Lepista irina (Tricholome à odeur d’iris), apporterait 72 mg de nitrate NO3-. Il faudrait consommer 350 mg de m. sèche de ce champignon, le Lepista irina, pour atteindre, avec lui seul, le seuil administratif fixé par le JECFA et le CSAH.

Aux yeux des auteurs, toutes ces considérations sont rassurantes. On voit mal la consommation de champignons contribuer réellement, quotidiennement et au long cours, au dépassement des normes [The data suggest that daily uptake of acceptable nitrate content via mushrooms is not presumable…].

Commentaire du blog

Les auteurs hongrois sont botanistes. Quand ils évoquent les effets éventuels des nitrates des champignons étudiés sur la santé, leur réflexe est de faire confiance aux autorités administratives et aux normes édictées. Malheureusement, comme on le sait ici, les normes administratives édictées à l’égard des nitrates alimentaires sont dénuées de base scientifique.

En 1991, la «Diagonale des Nitrates» mesurait, en France, les teneurs en nitrate NO3- des légumes. Dans l’ensemble, rapportée au kilo de matière sèche, la teneur en nitrate des champignons de l’étude hongroise est comparable à celle des légumes de la «Diagonale des Nitrates», rapportée au kilo de matière fraîche. On considère parfois que le poids de la matière sèche des champignons est environ cinq fois moindre que celui de leur matière fraîche. Dans ces conditions, dans l’ensemble, la concentration en nitrate des champignons est nettement plus faible, environ cinq fois plus faible, que celle des légumes.

Selon la «Diagonale des Nitrates» (1991), les teneurs moyennes en nitrate de la betterave, des épinards et de la laitue sont respectivement de 1900, 1870 et 1180 mg NO3- kg-1 de matière fraîche. Rapportées non plus au kilo de matière sèche mais au kilo de matière fraîche, les teneurs moyennes en nitrate des quatre champignons comestibles saprotrophes les plus «accumulateurs», le Lepista irina (tricholome à odeur d’iris), le Clitocybe nebularis (clitocybe nébuleux), le Lepista nuda (tricholome pied bleu), et le Lepista personata (tricholome pied violet), sont comprises entre 1100 et 1450 mg NO3- kg-1. Elles sont modérément inférieures aux teneurs en nitrate de la betterave, des épinards et de la laitue.

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