Nitrosation dans la cavité gastrique

Pereira, C., Barbosa, R.M. and Laranjinha, J. (2015) Dietary nitrite induces nitrosation of the gastric mucosa: the protective action of the mucus and the modulatory effect of red wine. Journal of Nutritional Biochemistry 26, 476-483

(voir l'abstract ici)

Les auteurs portugais [Université de Coimbra] présentent leurs travaux expérimentaux, d’abord effectués sur la mucine du porc et l’estomac du rat.

▪ Lorsqu’in vitro la mucine de porc est, durant 15 à 20 minutes, incubée dans une solution de nitrite de sodium NaNO2 contenant en milieu acide de 4.6 à 460 mg NO2- l-1, les glycoprotéines contenues dans cette mucine sont l’objet d’une nitrosation. Détectable en chimiluminescence, la nitrosation est d’autant plus importante quantitativement que la concentration en ions nitrite est elle-même élevée.

- Pour des concentrations en nitrite faibles et ≤ à 23 mg NO2- l-1, concentrations habituelles dans la cavité gastrique, la formation de S-nitrosothiol prédomine. Notons alors tout particulièrement que lorsque la concentration en nitrite est de 4.6 mg NO2- l-1 la formation de N-nitrosamine s’avère purement et simplement indétectable [Cf. tableau ci-dessous]:

 

En présence de nitrite

à la concentration

de 4.6 mg NO2- l-1

En présence de nitrite

à la concentration

de 23 mg NO2- l-1

Formation de

S-nitrosothiol

(nmol/mg de protéine)

0.25

0.40

Formation de

N-nitrosamine

(nmol/mg de protéine)

0.00

0.20

- Pour des concentrations en nitrite ˃ à 46 mg NO2- l-1, les composés nitrosés non-S, notamment N-nitrosés, deviennent prédominants.

▪ Lorsqu’ex vivo, des fragments d’estomac de rat sont mis en présence

- soit de nitrite de sodium Na NO2, apportant 23 ou 46 mg NO2- l-1,

- soit d’un mélange de nitrite de sodium Na NO2 apportant 23 ou 46 mg NO2- l-1 et de vin rouge (Touriga nacional «Quinta de Cabriz» 2003, 14 % v/v, Portugal) en solution à 10 %,

il apparaît que l’ajout de la solution de vin rouge a pour effet de réduire significativement la nitrosation du mucus gastrique. En particulier,

- à partir d’une concentration en ions nitrite NO2- de 23 mg NO2- l-1, la formation de S-nitrosothiols est réduite, en moyenne, de 0.21 nmol/mg de protéine,

- à partir d’une concentration en ions nitrite NO2- de 46 mg NO2- l-1, la formation de S-nitrosothiols est réduite, en moyenne, de 0.38 nmol/mg de protéine.

Selon les auteurs portugais, l’effet de la solution de vin rouge sur le phénomène de nitrosation du mucus gastrique pourrait être lié aux polyphénols qu’elle apporte [In vitro et ex vitro experiments indicated that the gastric nitrosation pattern is triggered by dietary nitrite in a concentration dependent manner, encompassing the intermediary formation of NO and is susceptible to modulation by dietary reductants, notably red wine polyphenols].

Dans leurs commentaires, ils abordent la question de l’éventuelle carcinogénicité des ions nitrite NO2- d’origine alimentaire. A ce sujet, ils font deux remarques:

- 1) la sécrétion physiologique de bicarbonates et d’acide ascorbique dans l’estomac limite la formation de composés N-nitrosés,

- 2) les études épidémiologiques n’ont jamais réussi à montrer un quelconque lien statistique entre les apports alimentaires en nitrite NO2- et le risque de cancer

[Nitrite has been considered a harmful agent in the gastric compartment because it can promote the formation of potentially carcinogenic N-nitrosamines […]. However, the physiological secretion of bicarbonate and ascorbic acid into the stomach is known to impair the formation of N-nitroso compounds, promoting the formation of NO. In addition, several studies have failed to establish a relationship between nitrate intake and an increased risk of gastric cancer].

Commentaire du blog

Dans le suc gastrique de l’homme à jeun, la concentration en ions nitrite NO2- est extrêmement faible. Elle est comprise entre 0 et 0.06 mg NO2- l-1. Deux à trois heures après des apports alimentaires importants en nitrate (par exemple 450 mg de NO3-), la concentration du suc gastrique en ions NO2- reste faible, comprise entre 1.3 et 2.9 mg NO2- l-1.

Chez l’homme, la concentration du suc gastrique en ions nitrite NO2- apparaît ainsi toujours inférieure au seuil de 23 mg NO2- l-1, que les auteurs portugais évoquent ici dans leur étude expérimentale sur le mucus gastrique. On en déduit que, dans les conditions de vie habituelles, la nitrosation du mucus gastrique donne, certes, lieu à la formation, dans le mucus, de S-nitrosothiols. Mais elle n’y donne pas lieu à la formation des composés N-nitrosés, ces composés dont on a pu jadis craindre l’effet carcinogène chez l’homme.

Une question se pose: La concentration physiologique du suc gastrique en ions nitrite NO2- étant très faible, l’absence de formation de composés N-nitrosés dans le mucus gastrique sous l’effet de ces doses extrêmement faibles de nitrite

- est-elle propre au mucus?

- ou bien, comme on peut le supposer, concerne-t-elle également la nitrosation des précurseurs alimentaires? Concerne-t-elle également le suc gastrique?

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