Laitue, alcool et nitrite d’éthyle

Rocha, B.S., Gago, B., Barbosa, R.M., Cavaleiro, C. and Laranjinha, J. (2015) Ethylnitrite is produced in the human stomach from dietary nitrate and ethanol, releasing nitric oxide at physiological pH: potential impact on gastric motility. Free Radical Biology and Medicine 82, 160-166

(voir l'abstract ici)

Les auteurs portugais [Universités de Coimbra et d’Aveiro] demandent à deux volontaires âgés de 27 ans de se prêter à une expérience plutôt originale.

Les sujets consomment d’abord, chacun, en cinq minutes, 50 grammes de laitue fraîche, pourvoyeuse de nitrate NO3-. Quinze minutes plus tard, ils avalent, soit 60 ml de whisky [Justerini & Brooks (J&B) 15 ans d’âge, 40% vol.], soit 300 ml de vin rouge [«Quinta de Cabriz» Touriga nacional, 14% vol.], qui leur apportent de l’éthanol, ou alcool éthylique, de formule CH3-CH2-OH. Cinq minutes plus tard encore, afin de faciliter la régurgitation gazeuse […to promote air regurgitation], ils avalent 125 ml d’une eau gazeuse, carbonatée.

A l’aide de la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse, les auteurs recherchent alors la présence de nitrite d’éthyle, de formule CH3-CH2-O-N=O dans l’air d’origine gastrique expulsé volontairement 5 minutes plus tard. Ils parviennent à l’identifier.

De même, dans l’air d’origine gastrique expulsé, ils mesurent par chimiluminescence la teneur moyenne en oxyde nitrique NO. Chez le sujet à jeun, elle est de 304 parties par milliard (ppb). Quinze et vingt-cinq minutes après la consommation de laitue, en l’absence de prise d’alcool, elle fait plus que décupler: respectivement à ces deux moments de l’expérience, 3188 et 7650 parties par milliard (ppb). Vingt-cinq minutes après la consommation de laitue mais, cette fois, après la prise d’alcool, elle évolue relativement différemment selon que l’alcool provient du whisky ou du vin rouge: respectivement ~ 400 et 15533 parties par milliard (ppb).

Par une expérience complémentaire sur le rat, les auteurs montrent qu’au pH physiologique de l’estomac, le nitrite d’éthyle induit une relaxation de la musculature lisse gastrique, par un mécanisme lié au guanosine monophosphate cyclique [cGMP].

Après leur ingestion, les ions nitrate NO3- alimentaires sont soumis, comme on le sait, à une circulation entérosalivaire. Celle-ci les fait repasser dans la cavité buccale où les bactéries de la flore salivaire les transforment en ions nitrite NO2-. La déglutition salivaire amène les ions nitrite dans la cavité acide de l’estomac. En milieu acide, l’ion nitrite est alors transformé en différents oxydes d’azote, dont l’acide nitreux HNO2 [At acidic pH, nitrite triggers a series of reactions involving different nitrogen oxides, including nitrous acid (HNO2)…]. Au cas où il est avalé et également présent dans l’estomac, l’éthanol, ou alcool éthylique, alcool aliphatique de formule CH3-CH2-OH, réagit localement avec l’acide nitreux HNO2; d’où, par O-nitrosation, la formation dans l’estomac d’un nitrite d’alkyle (ou ester de nitrite) de formule R-ONO: à savoir, le nitrite d’éthyle CH3-CH2-O-N=O [Aliphatic alcohols, such as ethanol, are known to react with nitrous acid (HNO2) yielding alkyl nitrites by O-nitrosation, thus ethyl nitrite formation in vivo may encompass the reaction of ethanol (from alcoholic beverages) and HNO2 or N2O3].

On peut supposer que le nitrite d’éthyle ainsi synthétisé joue un rôle dans ce qu’on nomme la relaxation adaptative de l’estomac [The demonstration that ethyl nitrite is produced in vivo and exerts a relaxant effect on the stomach smooth muscle suggests that it can contribute to gastric adaptive responses involved in food accommodation].

De même, certains travaux attribuent à l’éthanol, ou alcool éthylique, des effets cardiovasculaires favorables à court terme. La consommation de cet alcool contribuerait à diminuer la tension artérielle et augmenterait le flux sanguin à l’avant-bras. Selon les auteurs portugais, il ne serait pas impossible

- que le nitrite d’éthyle formé dans l’estomac soit absorbé intact puis que, sans être soumis au métabolisme hépatique, il se trouve, toujours sous la même forme, dans la circulation systémique (le fait n’est cependant pas prouvé),

- et qu’alors, au moins pour une part, les effets favorables cardiovasculaires liés à la consommation d’éthanol, ou d’acide éthylique, soient consécutifs à une libération d’oxyde nitrique NO dans le système circulatoire à partir du nitrite d’éthyle.

[An intriguing but yet unproven possibility exists that some ethyl nitrite is absorbed intact in the gastrointestinal tract, escapes liver metabolism and reaches the systemic circulation. In this context it is tempting to speculate that some of the described acute effects of ethanol on the cardiovascular system (such as reduction in blood pressure and increase of forearm blood flow) involve NO release from circulating ethyl nitrite].

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