Nitrate et santé – Commission européenne, Efsa et Anses

Mortureux, M. (2015) Des missions élargies sur les phytos. La mise en marché des produits phytos et le suivi post-autorisation vont désormais relever de l’Agence. Interview (propos recueillis par F. Mélix). La France Agricole 3581, 16.

Dans son numéro du 13 mars 2015, parmi diverses rubriques consacrées à l’actualité de la semaine, l’hebdomadaire «La France Agricole» a présenté à ses lecteurs une interview de Mr Marc Mortureux, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail [Anses].

Le directeur général de l’Anses a profité de l’interview pour expliquer en quoi, à partir du mois de juillet prochain, consisteront en France les nouvelles missions de l’Agence en matière de contrôle des produits phytosanitaires.

La fin de l’interview est consacré aux nitrates:

«Concernant les nitrates, quelles sont vos actions?

Nous avons reçu dans le même laps de temps trois saisines sur les nitrates et la santé. Nous travaillons donc dessus. Mais les seuils pour la consommation humaine et pour les eaux superficielles sont régis par l’Europe. L’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) a d’ailleurs un mandat de la Commission européenne pour refonder toute la toxicologie des nitrates. Le résultat de ce travail sur les risques et les bénéfices pour la santé de la consommation des nitrates sont attendus avant le début de l’année 2016».

Commentaire du blog

Les «seuils pour la consommation humaine» dont parle le directeur de l’Anses sont, apparemment, les concentrations maximales réglementaires en nitrate pour

- les épinards et la laitue,

- la viande et le poisson,

- et surtout, l’eau de boisson.

En 1980, le Conseil des Communautés européennes a publié une directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Parmi les normes alors édictées se trouve celle des nitrates NO3-. Leur concentration maximale admissible était fixée à 50 mg NO3- l-1. Le Conseil des Communautés européennes n’expliquait ni les motifs sanitaires qui inspiraient la décision, ni la raison pour laquelle il retenait le chiffre de 50.

Depuis 1980 jusqu’à maintenant, soit depuis 35 ans, la norme européenne de 50 mg NO3- l-1 a été maintenue à l’identique.

Pourtant, dès les années 1980, il eut été possible de se rendre compte de l’absence de bien-fondé de la norme. Lors d’un symposium organisé en 1984, reconnaissant que la crainte de la carcinogénicité des nitrates avait été précédemment exagérée, l’Organisation Mondiale de la Santé [OMS] ne retenait plus qu’un seul motif sanitaire pouvant justifier la norme de 50 mg NO3- l-1, celui du risque méthémoglobinémique chez le nourrisson. Or, selon cette même Organisation, 2000 cas de méthémoglobinémie du nourrisson avaient été recensés en Europe et aux Etats-Unis avant l’établissement même des normes. Aucun cas n’avait été consécutif à la préparation du biberon avec une eau d’adduction publique. La totalité des 2000 cas constatés avant l’établissement des normes avaient été consécutifs à la préparation du biberon avec une eau de puits bactériologiquement contaminée. Quelle que soit leur concentration, la présence de nitrates dans une eau d’adduction publique, laquelle est toujours bactériologiquement contrôlée (˂102 germes ml-1), a toujours été dans la stricte incapacité de provoquer, chez le nourrisson, l’apparition d’une méthémoglobinémie.

Dès les années 1980, du moins si les experts scientifiques du conseil des Communautés européennes et de l’Organisation Mondiale de la Santé [OMS] avaient œuvré correctement, il aurait été possible de revenir sur l’erreur réglementaire.

Par la suite, il se trouve que les progrès scientifiques en la matière ont été énormes. De nombreuses équipes, notamment aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Suède, ont mis en évidence les multiples et importants effets bénéfiques des nitrates alimentaires. Les effets bénéfiques concernent, notamment, la protection anti-infectieuse digestive, la santé cardiovasculaire et la prévention du diabète de type 2 [Cf. la page RUBRIQUES PAR THEMES]. Les nitrates alimentaires intéressent aussi le monde sportif, comme en témoigne une amélioration des performances physiques et sportives.

Des articles et ouvrages scientifiques ont été publiés, afin d’alerter l’opinion, et aussi les experts. On citera, entre autres:

- Apfelbaum, M. (2001) Nitrates. Une norme aux pieds d’argile. La Recherche (Paris) 339, 31-34

- L’hirondel, J. et L’hirondel, J.-L. (1996) Les nitrates et l’homme. Le mythe de leur toxicité. Les Editions de l’Institut de l’Environnement, Liffré, France, 142 p.

- L’hirondel, J. and L’hirondel, J.-L. (2002) Nitrate and Man. Toxic, harmless or Beneficial ? CAB International, Wallingford, UK, 168 p.

- Buson, C. et Toubon, P. (2003) Le cas des nitrates. Actes des Assises Internationales Envirobio 13-14 novembre 2000. Palais du Luxembourg – Paris. Institut Scientifique et Technique de l’Environnement. Liffré. France, 272 p.

- L’hirondel, J. et L’hirondel, J.-L. (2004) Les nitrates et l’homme. Toxiques, inoffensifs ou bénéfiques? Institut Scientifique et Technique de l’Environnement. Liffré, France, 256 p.

Depuis 2009, s’y ajoute le blog: «Nitrates et santé – Le blog des nitrates». Celui-ci n’a eu de cesse d’attirer l’attention sur l’importante erreur réglementaire commise en 1980 par le Conseil des Communautés européennes. L’erreur n’a toujours pas été corrigée.

La toute récente interview de Mr Marc Mortureux indique peut-être un début de changement de la part des instances administratives:

- La Commission européenne a pris note des critiques émises à l’encontre de la réglementation qu’en 1980 elle a, elle-même, édictée à l’égard des nitrates, et qu’elle a ensuite fait méticuleusement appliquer durant 35 ans,

- ce qui l’a amenée à charger l’Autorité européenne de sécurité des aliments [Efsa] de réétudier l’ensemble de la question. La compétence de l’Efsa n’est cependant pas garantie. En 2010, semblant confondre nitrate et nitrite, la même Efsa n’affirmait-elle pas que de fortes doses de nitrate dans les épinards étaient, à elles seules, susceptibles de déclencher une méthémoglobinémie chez le nourrisson [voir ici]? En réalité, les épinards riches en nitrate ne peuvent déclencher une méthémoglobinémie chez le nourrisson qu’en cas de conservation imparfaite de l’aliment. Ce n’est que si les épinards sont l’objet d’une prolifération bactérienne importante qu’une transformation partielle, ou totale, des nitrates en nitrites s’avère possible.

- L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail [Anses] est également consciente du fossé qui s’est creusé entre les données scientifiques relatives aux nitrates et les directives administratives, anciennes et toujours en cours. Ayant reçu plusieurs saisines à ce sujet, l’Agence française «travaille dessus», pour reprendre les propres termes de son directeur général.

Le blog: «Nitrates et santé – le blog des nitrates» attend, bien sûr, avec intérêt la suite des événements.

This entry was posted in Appréciation d'ensemble nitrate santé, Législation and tagged , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Bookmark the permalink.

Comments are closed.