Nitrates de l’eau d’adduction publique et cancer de la vessie

Espejo-Herrera, N., Cantor, K.P., Malats, N., Silverman, D.T., Tardon, A., Garcia-Closas, R., Serra, C., Kogevinas, M. and Villanueva, C.M. (2015) Nitrate in drinking water and bladder cancer risk in Spain. Environmental Research 137, 299-307

(voir l'abstract ici)

Nitrates et santé – le blog des nitrates” a précédemment présenté trois documents consacrés aux liens éventuels entre les nitrates alimentaires et le cancer de la vessie. In vitro, l’article de Morcos et coll. fait état d’un effet plutôt anticancéreux des ions nitrite NO2- à l’égard du cancer de la vessie [rubrique du 13 juillet 2010]. Dans son ensemble, la méta-analyse de Wang et coll. ne note pas de lien réel entre les nitrates de l’eau de boisson et ce cancer [rubrique du 28 janvier 2013]. Il en est de même du travail de Catsburg et coll. qui ne retient pas, non plus, de lien entre les apports alimentaires quotidiens en nitrate et le cancer de la vessie [rubrique du 09 décembre 2013].

Une équipe internationale [Barcelone et Madrid, Espagne; Athènes, Grèce; Bethesda, Maryland, USA] publie sur le sujet une étude cas-contrôles réalisée en Espagne entre juin 1998 et juin 2001. La teneur en nitrate NO3- de l’eau d’adduction publique consommée est déterminée à partir de documents municipaux. La quantité d’eau d’adduction publique consommée est évaluée par questionnaire. Deux populations sont comparées:

- 531 patients atteints de cancer de la vessie, histologiquement confirmés,

- à titre de contrôle, 556 sujets admis en service hospitalier pour tout autres raisons, et appropriés par âge, sexe et aire de résidence.

Les teneurs moyennes des eaux d’adduction publique consommées dans les aires de résidence concernées sont comprises entre 2.1 et 12.0 mg NO3- l-1. Les apports moyens en nitrate par l’intermédiaire de l’eau d’adduction publique sont compris entre 2.4 et 11.3 mg NO3- jour-1 [Estimated average nitrate levels in residential drinking water since age 18 ranged from 2.1 to 12.0 mg/L (0.5-2.7 mg/L of nitrate-N), and average ingested nitrate through drinking water ranged from 2.4 to 11.34 mg/day among study areas].

Ajustés en fonction de l’âge, du sexe et de l’aire de résidence, les odd ratios, évaluant les risques d’apparition du cancer de la vessie dans cette étude espagnole, sont les suivants:

Concentration moyenne de l’eau d’adduction publique en nitrate

 

ODD RATIO

˂ 5 mg NO3- l-1

1

entre 5 et 10 mg NO3- l-1

1.18

˃ 10 mg NO3- l-1

1.08 

Temps avec concentration moyenne de l’eau d’adduction publique supérieure à 9.5 mg NO3- l-1

ODD RATIO

˂ 1 an

1

de 1 à 20 ans

0.97

˃ 20 ans

1.36 

Apports moyens en nitrate par l’intermédiaire de l’eau d’adduction publique

ODD RATIO

≤4 mg NO3- jour-1

1

de 4 à 8 mg NO3- jour-1

0.76

˃ 8 mg NO3- jour-1

0.69

A priori, les données recueillies pourraient certes évoquer une augmentation du risque de cancer de la vessie lorsque la concentration en nitrate de l’eau d’adduction publique a tendance à s’élèver ou lorsque la durée d’exposition à une eau d’adduction publique contenant des nitrates se prolonge.

Mais, dans l’étude, les concentrations en nitrate NO3- des eaux d’adduction publique sont faibles, inférieures à la concentration maximale admissible [CMA] (50 mg NO3- l-1) qu’impose depuis 1980 la réglementation européenne. En réalité, les résultats ne sont pas significatifs. Selon les auteurs eux-mêmes, il n’est pas possible de dire qu’ils permettent de conclure à un lien de cause à effet entre les teneurs en nitrate de l’eau d’adduction publique, à ces faibles niveaux, et le risque de cancer de la vessie [In conclusion, chronic exposure to nitrate in drinking water at levels below the current regulatory limit was inconsistently associated with risk of bladder cancer […]. However, our results suggest an increased risk of bladder cancer among subjects with highest nitrate levels in the residence or with longest duration in residences with high levels].

Commentaire du blog

Comme la quasi-totalité des études de ce genre, l’étude présentée n’a pas grand sens.

Les apports en nitrate provenant de l’eau d’adduction publique, compris ici entre 2.4 et 11.3 mg NO3- jour-1, sont en réalité minimes et très minoritaires.

Rappelons, pour comparaison, que les apports alimentaires quotidiens en nitrate NO3- sont estimés:

- à 70 mg en cas de régime standard,

- jusqu’à 280 mg en cas de régime végétarien [Bonell, 1995],

- jusqu’à 400 mg en cas de régime méditerranéen [Raat et coll., 2009; Nadtochiy et Redman, 2011]

- et même à 1240 mg en cas de DASH diet [Dietary Approaches to Stop Hypertension diet], le DASH diet étant le régime préconisé par les autorités cardiologiques américaines [National Heart, Lung and Blood Institute, National Institutes of Health, Bethesda] dans le but d’abaisser la tension artérielle des sujets hypertendus.

Rappelons aussi qu’aux apports alimentaires, intermittents, en nitrate s’ajoute une synthèse endogène, permanente, de ces mêmes ions nitrate, à partir de la L-arginine, sous l’effet de la NO synthase. La synthèse endogène quotidienne en nitrate NO3- est estimée entre 40 et 70 mg dans les conditions de base. Elle est considérablement augmentée lors des activités sportives et lors des séjours en altitude.

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