Bactéries nitratoréductrices de la cavité buccale

Hyde, E.R., Andrade, F., Parthasarathy, K, Jiang, H., Parthasarathy, D.K., Torregrossa, A.C., Tribble, G., Kaplan, H.B., Petrosino, J.F. and Bryan, N.S. (2014) Metagenomic analysis of nitrate-reducing bacteria in the oral cavity: Implications for nitric oxide homeostasis. PLoS ONE 9(3): e88645. doi:10.1371/journal.pone.0088645

(voir l'article entier ici)

Chez l’animal comme chez l’homme, la supplémentation alimentaire en nitrate NO3- génère de nombreux effets bénéfiques, notamment une diminution de la tension artérielle, une protection à l’égard des dommages de l’ischémie-reperfusion, une restauration d’homéostasie en oxyde nitrique NO, une accélération de régénération vasculaire après ischémie chronique, ou encore une «réversion» de la dysfonction vasculaire du sujet âgé. Certains des effets bénéfiques, ou bien sont diminués, ou bien disparaissent, lorsque la flore bactérienne buccale est abolie par un bain de bouche antiseptique. Il a été montré qu’une prescription pendant sept jours de bains de bouche antiseptiques diminue les concentrations salivaires et plasmatiques en nitrite NO2-, en même temps qu’elle augmente les tensions artérielles systolique et diastolique. L’attention est attirée sur le rôle joué par bactéries nitratoréductrices de la flore buccale dans le métabolisme des nitrates NO3-, des nitrites NO2- et de l’oxyde nitrique NO. Les effets sont physiologiquement mesurables [It was shown that in the absence of any dietary modifications, a seven-day period of antiseptic mouthwash treatment to disrupt the oral microbiota reduced both oral and plasma nitrite levels in healthy human volunteers, and was associated with a sustained increase in both systolic and diastolic blood pressure. Altogether, these studies firmly establish the role for oral nitrate-reducing bacteria in making a physiological relevant contribution to host nitrite and thus NO levels, with measurable physiological effects].

Les auteurs américains cherchent à identifier les bactéries de la flore buccale qui, présentes dans la salive, contribuent à la réduction des ions nitrate NO3- en ions nitrite NO2- [Here we measure the nitrate-reducing capacity of tongue-scraping samples from six healthy human volunteers, and analyse metagenomes of the bacterial communitites to identify bacteria contributing to nitrate reduction].

Chez 6 sujets volontaires sains, ils étudient la flore bactérienne buccale, prélevée là où la réduction des nitrates NO3- en nitrites NO2- est considérée comme la plus importante: à savoir sur la face dorsale de la langue [Tongue-scrapping samples from six healthy volunteers were obtained from the dorsal surface of the tongue, as it has been previously shown that the most nitrate reduction occurs at this location in the oral cavity].

Le séquençage d’ARN permet d’y individualiser 230 «unités taxonomiques opérationnelles» [UTO] différentes, chacune des «unités» regroupant des bactéries aux séquences d’ARNr 16S similaires. Bien que des différences soient observées d’un prélèvement à l’autre, la majorité des «unités» appartiennent aux cinq genres suivants: Streptococcus (20 %), Veillonella (14 %), Prevotella (12 %), Neisseria (11 %) et Hemophilus (9 %) [As revealed by 16S rRNA gene pyrosequencing and analysis, the tongue scrapings were diverse, with an average of 230.1 operational taxonomic units [OTUs] detected in these samples. The majority of OTUs in the original samples belonged to Streptocoous (20.2 % ± 9.75 %), Veilonella (14.1 % ± 4.15 %), Prevotella (11.8 % ± 5.88 %), Neisseria (10.8 % ± 9.62 %), and Hemophilus (8.64 % ± 4.93 %].

Grâce à des biofilms bactériens dont le milieu de croissance, contenant des nitrates (30 μM), est renouvelé quotidiennement du premier au quatrième jours, ils étudient in vitro les potentialités nitratoréductrices de la flore buccale. Ils constatent que l’activité nitratoréductrice faiblit au fil du temps. Du premier au quatrième jours, elle diminue dans l’ensemble de plus de la moitié, de 55 à 80 % [There was a wide range in nitrate-reducing capacity over 96 hours across the six samples, and the longer the samples incubated, the lower the nitrate-reduction activity became, until by 96 hours only 20-45 % of the activity remained].

En fonction du pouvoir de nitratoréduction des genres bactériens de la flore buccale évalué tout au long de l’expérience, les auteurs distinguent trois groupes:

- Groupe A: les «meilleurs» nitratoréducteurs «in vitro» [«best reducers»], qui diminuent en trois jours les nitrates du milieu de ≥ 70 %,

- Groupe B: les nitratoréducteurs «intermédiaires» «in vitro» [«intermediate reducers»], qui diminuent en trois jours les nitrates du milieu de 40 à 70 %,

- Groupe C: les «moins bons» nitratoréducteurs «in vitro» [«worst reducers»], qui diminuent en trois jours les nitrates du milieu de < 40 %.

L’abondance relative des genres bactériens dans chacun des trois groupes se répartit ainsi de la façon suivante:

Groupe A:

«Meilleurs» nitratoréducteurs

Groupe B: Nitratoréducteurs «intermédiaires»

Groupe C: «Moins bons» nitratoréducteurs

Streptococcus: 89.4 %

Granulicatella: 1.61 %

Veilonella: 1, 0 %

Neisseria: 1.0 %

Prevotella: 0.73 %

Haemophilus: 0.48 %

Leptotrichia: 0.32 %

Actinomyces: 0.29 %

Divers-Non classifié: 3.22 %

Streptococcus: 89.9 %

Lactobacillus: 7.48 %

Pediococcus: 0.54 %

Divers-Non classifié: 0.78 %

Streptococcus: 72.3 %

Lactobacillus: 22.2 %

Divers-Non classifié: 1.56 %

Les streptocoques constituent le genre le plus abondant dans les trois groupes [The streptococci were the most abundant taxa present in all three groups]. Les lactobacilles, par contre, ne sont pratiquement pas détectés dans le premier groupe [0.008 %]; et, en matière d’abondance, ils arrivent en deuxième position dans les deuxième et troisième groupes [respectivement: 7.48 et 22.2 %]. Les auteurs se demandent s’ils ne pourraient pas jouer un éventuel rôle inhibiteur, en libérant un produit métabolique qui viendrait contrecarrer le phénomène de nitratoréduction [Thus, we speculate that lactobacillus may play an inhibitory role by producing some metabolic by-product that shuts down nitrate reduction in the community].

La question qui vient à l’esprit des auteurs est celle de savoir si une diminution persistante du nombre des bactéries nitratoréductrices dans la cavité buccale serait ou non en mesure de générer un état de déficience prolongé de l’organisme en oxyde nitrique NO, lequel prédisposerait à la longue aux maladies cardiovasculaires [An outstanding key question is whether the decreased abundance or absence of nitrate-reducing communities is correlated with a state of NO insufficiency and an increased risk for cardiovascular disease].

Il serait intéressant de répéter des études similaires portant sur la flore bactérienne buccale dans différentes populations du globe. S’il s’avérait que certaines populations manquent effectivement de bactéries buccales nitratoréductrices, elles pourraient ainsi bénéficier de mesures thérapeutiques appropriées, visant à corriger la carence bactérienne [These cohorts should consist not only of specific U.S. population, but also of other around-the-world (European, Asian) populations. It is likely that the oral microbiomes of different ethnic groups, even those within different regions of the U.S., vary widely. It will be important to determine whether different nitrate reducing communities are more prevalent in geographically dispersed healthy populations; likewise, it will also be important to determine whether different nitrate reducing communities are lacking in specific patient populations from around the world. If certain patient populations lack specific nitrate reducing bacteria, personalized treatments to enrich for nitrate reducers may be warranted].

Commentaire du blog

Il conviendrait d’articuler ces données «qualitatives» sur le pouvoir nitratoréducteur des différents germes de la flore buccale avec les données «quantitatives», que l’on trouvera, par exemple, mentionnées dans les rubriques des 7, 11 et 14 mai 2010. Dans un milieu quelconque (biberon, petit pot pour bébé, urine, salive, etc.), les ions nitrate NO3- ne commencent à être réduits en ions nitrite NO2- que si, suffisamment important, le nombre des bactéries présentes dépasse 106 ml-1.

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