Le point sur les nitrates alimentaires et la santé cardiovasculaire

Kapil, V., Weitzberg, E., Lundberg, J.O. and Ahluwalia, A. (2014) Clinical evidence demonstrating the utility of inorganic nitrate in cardiovascular health. Nitric Oxide 38, 45-57

(voir l'abstract ici)

En neuf pages de texte suivies de 211 références bibliographiques, les auteurs suédois du Karolinska Institute [Stockholm] présentent une revue générale, intitulée: «Démonstration de l’utilité, pour la santé cardiovasculaire, des nitrates inorganiques».

Particulièrement informés sur une question scientifique qu’ils travaillent depuis plus de vingt ans, ils offrent au lecteur une synthèse remarquable, qui mérite d’être reçue du plus grand nombre.

Le plan de l’article est le suivant:

1) Introduction

2) Bio-activation de l’ion nitrate NO3- en oxyde nitrique NO

3) Utilité thérapeutique de la voie métabolique NO3- – NO2- – NO

3.1 Tension artérielle

3.2 Réactivité plaquettaire

3.3 Ischémie

3.4 Santé vasculaire

3.5 Capacité lors de l’exercice et fonction métabolique

4 Avantages potentiels des traitements basés sur les apports en nitrate NO3-

5 Les griefs à l’égard des nitrates

6 Conclusion

***

Trois figures complètent le texte:

Figure 1: La deuxième voie de production d’oxyde nitrique NO, à partir des apports alimentaires en nitrate NO3-.

La double découverte

- de la réduction de l’ion nitrite NO2- en oxyde nitrique NO

- et de la réduction de l’ion NO3- en ion NO2-, par la flore bactérienne buccale

a ouvert une voie royale, celle de la possibilité de traitements à base d’oxyde nitrique NO

[The discovery of authentic NO production from the 1 electron reduction of NO2- and demonstration that symbiotic, facultative, anaerobic, oral bacteria can reduce NO3- to NO2- has provided a further avenue within which to explore NO-based therapeutics].

Figure 2: La circulation entérosalivaire

L’ion nitrate NO3- d’origine alimentaire (1) est dégluti (2), absorbé en regard du tractus gastro-intestinal supérieur vers la circulation (3) […]. Il est ensuite concentré par les grandes salivaires (5) et sécrété en retour dans la cavité buccale dans une salive riche en nitrate (6). Les bactéries porteuses de nitrate-réductases convertissent les ions nitrate NO3- en ions nitrite NO2-. Ces nitrites sont déglutis (7) et parviennent dans la circulation (8), où les nitrite-réductases facilitent leur conversion en NO biologiquement actif (9).

[NO3- from the diet (1) is swallowed (2) and absorbed across the upper gastro-intestinal tract into the circulation (3) […]. This nitrate is concentrated by the salivary glands (5) and secreted back into the oral cavity as NO3--rich saliva (6) and NO3--reductase containing bacteria convert NO3- to NO2-. This NO2- is swallowed (7) and accumulates in the circulation (8) where NO2- reductases can facilitate conversion to bioactive NO (9)].

Figure 3: Le rôle de l’oxyde nitrique NO dérivé de l’ion nitrite NO2- dans le système cardiovasculaire.

L’oxyde nitrique NO provenant de l’ion nitrite NO2-

- augmente la concentration de guanosine monophosphate cyclique [cGMP]

- dans la cellule musculaire lisse vasculaire: d’où une vasodilatation,

- dans les plaquettes: d’où une diminution de l’agrégation plaquettaire,

- dans le leucocyte: d’où une diminution de l’interaction leucocyte-cellule endothéliale,

- agit sur la biogénèse mitochondriale [mitochondrial biogenesis] dans la cellule du muscle squelettique:

- d’où une diminution de la consommation en oxygène lors de l’effort.

***

On apprend que plusieurs études cliniques chez l’homme sont actuellement en cours, au Royaume-Uni et en Suède. Leurs résultats sont attendus:

1) Effets d’un apport alimentaire prolongé en nitrate [prolonged dietary nitrate], sous forme de jus de betterave, sur la tension artérielle du sujet hypertendu, traité ou non traité [clinicaltrials.gov: NCT01405898].

2) Effet d’un traitement par les nitrates alimentaires sur la fonction endothéliale et la réactivité plaquettaire en cas d’hypercholestérolémie [clinicaltrials.gov: NCT01493752].

3) Effet d’un traitement par nitrite NO2-, ou par voie systémique intraveineuse ou par voie locale intracoronarienne, en cas d’infarctus du myocarde [clinicaltrials.gov: NCT1388504 & NCT01584453].

4) Intérêt d’une supplémentation orale en nitrate NO3- avant et pendant un pontage coronarien [clinicaltrials.gov: NCT01348971].

***

Le cinquième chapitre est consacré aux griefs anciens à l’encontre des nitrates.

Les auteurs suédois expriment leur réserve à l’égard des anciennes suspicions, qui datent des années 1940 et 1950.

A l’origine de la concentration maximale de 50 mg NO3- l-1 fixée par les autorités administratives européennes et américaines pour l’eau de boisson, le risque méthémoglobinémique donne lieu maintenant, en fait, à une réelle ré-interprétation [However, more recently, there has been a reappraisal of these concerns and a reevaluation of those early data]. Comme le montrent des travaux récents, aucun lien n’existe entre, d’une part, le taux de méthémoglobine ou le risque de voir apparaître des signes cliniques de méthémoglobinémie et, d’autre part, les teneurs en nitrate de l’eau de boisson [Recent reports have demonstrated no consistent association between metHb levels or risk of developing clinical methaemoglobinaemia with drinking water NO3- levels].

De même, le risque carcinogène ne peut être vraiment retenu. Le rapport du Comité d’experts sur les Additifs alimentaires de l’OMS conclut en 2003 qu’aucune preuve scientifique de la carcinogénicité de l’ion nitrate NO3- n’existe chez l’homme [A comprehensive review of the data in by the World Health Organization Expert Committee on Food Additives concluded that there was no evidence that NO3- was carcinogenic to humans]. Le classement par le Centre International de Recherche sur le Cancer [CIRC], en 2010, des ions nitrate NO3- et nitrite NO2- comme «probablement cancérigènes chez l’homme» est scientifiquement critiquable. Comme l’ont montré Bryan et collaborateurs, plusieurs articles sur lesquels cette agence intergouvernementale prétend s’appuyer sont de qualité méthodologique défaillante.

***

Les effets bénéfiques des nitrates alimentaires à court terme sont aussi nombreux qu’indiscutables. La revue générale des auteurs suédois les énumère et les décrit avec soin.

Par contre, on ne sait toujours pas réellement si les effets bénéfiques à court terme se prolongent à l’identique lorsque les apports en nitrate sont longtemps poursuivis. Les travaux actuellement disponibles chez l’homme ne vont pas au-delà des quatre semaines de supplémentation. [There are no studies that have explored the chronic beneficial effects of NO3- supplementation in humans beyond 4 weeks]. La lacune devrait prochainement se combler. Comme on vient de le voir ci-dessus, les effets sur la tension artérielle du sujet hypertendu d’un apport prolongé en nitrates, sous forme de jus de betterave, font, par exemple, l’objet d’une enquête, destinée à être bientôt portée à la connaissance du milieu scientifique [clinicaltrials.gov: NCT01405898].

Ce n’est qu’après avoir vérifié que les effets bénéfiques des nitrates alimentaires s’observent aussi bien à court qu’à long termes que l’on pourra légitimement recommander au grand public d’adopter des habitudes alimentaires privilégiant les apports riches en nitrate sur de longues périodes [Thus, importantly, it is crucial that long-term, well-conducted clinical trials are performed before NO3- supplementation can be recommended in the clinical setting].

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