Fenouil et nitrates chez les bovins

Costagliola, A., Roperto, F., Benedetto, D., Anastasio, A., Marrone, R., Perillo, A., Russo, V., Papparella, S. and Paciello, O. (2014) Outbreak of fatal nitrate toxicosis associated with consumption of fennels (Foeniculum vulgare) in cattle farmed in Campania region (southern Italy). Environmental Science and Pollution Research 21, 6252-6257

(voir l'abstract ici)

Les auteurs italiens [Département de Médecine Vétérinaire et de Production Animale de l’Université de Naples] rapportent les troubles qui ont frappé, en Campanie, un troupeau de 50 vaches laitières de race Podolica.

Les bovins sont âgés de 3 à 6 ans. Subitement, ils présentent faiblesse, tremblements musculaires et ataxie, en même temps qu’ils font preuve d’anxiété [A group of Italian Podolica breed of dairy cattle, between 3 and 6 years of age, from the same farmhouse, suddenly developped anxiety, weakness, muscular tremors, and ataxia]. En 24 à 48 heures, 15 d’entre eux meurent, dans un tableau fait de convulsions, de dyspnée, de tachypnée [Fifteen out of the entire herd of 50 cows died within 24 to 48 h from the onset of the first clinical signs […]. Cattle showed mainly convulsions associated with dyspnea and tachypnea].

La région de Campanie produit du fenouil (Foeniculum vulgare) destiné à la consommation humaine. Les bovins atteints sont nourris avec des résidus de fenouil, non vendus […waste from the sale of the fennels…]. Les signes cliniques sont notés 2 à 4 heures après leur consommation […the onset of the first clinical signs […] were evident after 2-4 h from the consumption of fennels].

Effectuée sur le terrain chez 5 bovins, l’autopsie montre un sang de couleur brunâtre ainsi qu’une cyanose affectant à la fois les muqueuses de la bouche et des naseaux et la peau des mamelles. Au microscope, les auteurs constatent dans les poumons et le myocarde des dépôts hémorragiques et dans les reins des phénomènes congestifs sur les vaisseaux glomérulaires et des phénomènes de nécrose sur les épithéliums tubulaires.

En raison du contexte, des signes cliniques, des constatations faites à l’autopsie, les auteurs envisagent, à titre de présomption, un diagnostic de méthémoglobinémie d’origine toxique [The brownish color of the blood and the cyanosis of the visible mucosa found at the necropsy helped us rule out all other diseases associated with the clinical signs shown by the animals. The anamnesis, the clinical signs, and the anatomopathological lesions led to a presumptive diagnosis of toxicosis by methemoglobinizing agents].

Dosant chez les animaux les concentrations en nitrate NO3- du sang, du contenu du rumen, du foie et des reins, ils les évaluent, respectivement et en moyenne, à 3.7, 4.4, 113 et 282 mg NO3- l-1 ou kg-1. Dosant également les concentrations en nitrate NO3- des parties vertes et blanches du fenouil consommé, ils les évaluent, respectivement et en moyenne, à 4672 et 3 mg NO3- kg-1.

Selon eux, notamment en raison des hautes teneurs des parties vertes du fenouil en nitrate, le diagnostic envisagé, celui de méthémoglobinémies liées à d’importantes ingestions de nitrate NO3-, se trouve confirmé [The detection of high levels of nitrate in the liver, kidney, and blood samples and in the ruminal content and fennels, along with other compatible post-mortem findings, confirmed the diagnosis of death due to nitrate intoxication].

Ils recommandent la vigilance, tant aux éleveurs et vétérinaires en matière de nutrition animale qu’aux médecins en matière de consommation humaine de légumes [Thus, not only farmers and veterinary nutritionists should be aware and consider the safety of the feed administered to livestock but also physicians should consider the clinical signs of acute or chronic exposure to nitrate and nitrite in people that consume these vegetables].

Commentaire du blog

Ce travail laisse perplexe et sceptique.

Ni le diagnostic de méthémoglobinémie, ni la responsabilité des nitrates du fenouil ne sont réellement démontrés.

Il ne semble pas scientifiquement possible d’affirmer l’existence d’une méthémoglobinémie sans avoir mesuré le taux de méthémoglobine. Le dosage doit être effectué du vivant de l’animal. Il aurait également été souhaitable que les auteurs précisent les taux de méthémoglobine des 35 animaux non décédés.

La concentration en nitrate des parties vertes du fenouil consommé par les animaux est, certes, importante: en moyenne 4672 mg NO3- kg-1. Par comparaison, selon la Diagonale des Nitrates (1991), les concentrations moyennes respectives en nitrate de légumes comme les épinards, la betterave, la batavia ou le navet sont de 1870, 1900, 2716 ou 2870 mg NO3- kg-1. Il convient cependant de faire deux remarques:

1) Si les auteurs avaient mesuré les concentrations en nitrate de l’herbe broutée par les bovins, ils auraient pu évaluer, pour comparaison, la quantité de nitrate que les animaux ingèrent quotidiennement.

2) Quelle que soit l’importance de leurs apports, les nitrates NO3- ne font courir aucun risque de méthémoglobinémie aux humains. Chez les humains, le risque de méthémoglobinémie n’existe, on le sait, qu’en cas d’ingestion de nitrite NO2- par un nourrisson âgé de moins de six mois [Cf. rubriques des 7, 11 et 14 mai 2010]

Les auteurs parlent de résidus de fenouil ayant échappé à la vente pour la consommation humaine [The waste from the sale of the fennels were collected and fed ad libitum to cows]. Ces résidus étaient-ils l’objet d’une pullulation microbienne? La quantification de la population bactérienne dans les résidus de fenouil et la mesure de leurs concentrations en nitrite NO2- auraient, sans doute, été plus instructives que la mesure de leurs concentrations en nitrate NO3-.

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