Nitrate, nitrite, cancer colorectal

DellaValle, C.T., Xiao, Q., Yang, G., Shu, X.-O., Aschebrook-Kilfoy, B., Zheng, W., Li, H.L., Ji, B.-T., Rothman, N., Chow, W.-H., Gao, Y.-T. and Ward, M. (2014) Dietary nitrate and nitrite intake and risk of colorectal cancer in the Shanghai Women’s Health Study. International Journal of Cancer 134, 2917-2926

(voir l'abstract ici)

Le blog «Nitrates et Santé» a déjà rendu compte de 4 articles scientifiques consacrés au cours des dernières années aux liens éventuels entre l’ingestion de nitrate NO3- et l’incidence des cancers colique ou rectal.

Trois d’entre eux concernaient le cancer du côlon [Chiu et coll., rubrique du 04 06 2010 – Van Grinsven et coll. (faisant état d’une étude de De Roos et coll. publiée en 2003), rubrique du 22 12 2010 – Chiu et coll., rubrique du 05 03 2012], la quatrième le cancer du rectum [Chang et coll. – rubrique du 19 10 2010].

Les quatre études cherchaient à vérifier s’il existait ou non un lien entre, d’une part l’incidence du cancer ou la mortalité induite, d’autre part l’importance des apports en nitrate provenant de l’eau de boisson. Sauf à incriminer tel ou tel sous-groupe, les trois études portant sur le cancer du côlon concluaient à une absence de lien significatif. L’étude qui portait sur le cancer du rectum faisait, certes, état d’un lien positif significatif, mais le lien n’apparaissait qu’en comparant les sujets dont la concentration en nitrate de l’eau de boisson était supérieure à 1.68 mg NO3- l-1 à ceux dont la même concentration lui était inférieure. Le seuil de comparaison était excessivement bas.

Les auteurs américains et chinois [Bethesda, Maryland; Nashville, Tennessee; Chicago, Illinois; Houston, Texas; Shanghai, République populaire de Chine] rapportent les résultats d’une étude effectuée à partir d’une cohorte de 73.118 femmes vivant à Shanghai, d’âge compris entre 40 et 70 ans. Le suivi moyen étant de 11 ans, 619 d’entre elles développent un cancer colorectal [383 un cancer du côlon; 236 un cancer du rectum].

Par l’intermédiaire d’un questionnaire alimentaire comprenant 77 items, les auteurs cherchent à évaluer l’importance des apports exogènes quotidiens, notamment en nitrate NO3- (eau de boisson exclue), et vérifient ensuite s’il existe un lien entre ces apports en nitrate et l’incidence du cancer.

Chez ces femmes, les apports alimentaires quotidiens en nitrate (eau de boisson exclue) sont quantitativement élevés: en moyenne 301 mg NO3- j-1. La très grande majorité de ces apports proviennent des légumes: en moyenne 298.6 mg NO3- j-1.

Les auteurs ne constatent aucun lien statistique entre les apports alimentaires en nitrate NO3- (eau de boisson exclue) et le risque d’apparition du cancer colorectal en général, du cancer du côlon ou du cancer du rectum en particulier.

Sur un mode similaire, l’étude porte sur les apports alimentaires en nitrite NO2-. Ceux-ci sont, en moyenne, de 1.4 mg NO2- j-1. Aucun lien statistique ne les relie, non plus, au risque d’apparition du cancer colorectal.

[Dietary nitrate and nitrite intakes overall, and from animal and plant sources separately, were not significantly associated with risk of colorectal cancer […]. Examining colon and rectum cancer risk separately, we found no association with intakes of nitrate and nitrite overall or from animal sources].

Les auteurs individualisent, par contre, un sous-groupe: celui des femmes qui, selon les données du questionnaire, consomment quotidiennement moins de 83.9 mg de vitamine C. Elles représentent 50 % du panel.

Chez ces femmes, le risque d’apparition du cancer colorectal augmente avec l’importance des apports en nitrate NO3- (eau de boisson exclue), sans d’ailleurs atteindre la significativité statistique. Il n’augmente pas avec l’importance des apports en nitrite NO2- [Analyses of nitrate intake stratified by dietary vitamin C (≥83.9/≤83.9 mg day-1) and the risk of colorectal cancer showed evidence of higher risk among women with vitamin C intake below the median, although the test for interaction did not reach statistical significance (p interaction = 0.19) […] Nitrite intake was not associated with colorectal cancer among women with high or low vitamin C intakes].

Les auteurs signalent eux-mêmes, dans leur étude, une particularité et deux limites méthodologiques.

La particularité:

Selon les données fournies par le questionnaire, les femmes de la cohorte chinoise étudiée consomment quotidiennement de fortes quantités de nitrate NO3-. Les 301 mg de NO3- j-1 ingérés en moyenne sont trois fois supérieurs aux apports en nitrate décrits habituellement dans les cohortes occidentales ou américaines [It is important to note the higher dietary nitrate intake in the Shanghai women’s cohort compared with the US and other Western cohorts. For example, median daily dietary nitrate intake was three times higher among Shanghai women (301 mg day-1) than in US populations (~100 mg day-1)].

Les limites méthodologiques:

1) Le questionnaire porte sur les seules habitudes alimentaires de l’année précédente.

2) Les apports en nitrate provenant de l’eau de boisson ne sont pas comptabilisés. Les auteurs considèrent cependant que, quantitativement peu importants, ils ne doivent pas réellement interférer [We would not expect drinking water to contribute a substantial portion of total nitrate intake].

1)  Commentaire du blog

S’y ajoutent trois limites méthodologiques, sans doute plus fâcheuses:

1) On le sait, la fiabilité des questionnaires alimentaires rétrospectifs est sujette à caution. La réserve vaut pour l’appréciation des apports quotidiens en nitrate comme  pour celle des apports quotidiens en nitrite et celle des apports quotidiens en vitamine C.

2) Les auteurs omettent de signaler l’existence d’une sécrétion quotidienne en vitamine C dans l’estomac lui-même. En 1989, Rathbone et coll. l’estimaient en moyenne à 60 mg j-1 [Rathbone, B.J. et al. (1989) Ascorbic acid: a factor concentrated in human gastric juice. Clinical Science 76, 237-241]. De nature endogène, cette sécrétion s’ajoute aux apports exogènes. Elle n’est pas prise ici en considération. 

3) De même, on sait qu’une synthèse endogène permanente en nitrate NO3- existe parallèlement aux apports exogènes. Les auteurs n’en tiennent pas compte.

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