Nitrate et nitrite. Effets fastes ou effets néfastes?

Ghasemi, A. and Zahediasl, S. (2013) Potential therapeutic effects of nitrate/nitrite and type 2 diabetes mellitus. International Journal of Endocrinology and Metabolism 11, 63-64

(voir l'ensemble du texte ici)

Dans le numéro de printemps 2013 de la revue ”International Journal of Endocrinology and Metabolism”, l’éditorial est rédigé par deux scientifiques du “Research Institute for Endocrine Sciences” de l’Université “Shahid Beheshti” de Téhéran. L’auteur en second [S.Z.] est l’un des deux rédacteurs en chef de la revue.

Ils se proposent de faire le point sur les effets positifs et négatifs des ions nitrate NO3- et des ions nitrite NO2-.

A en croire l’Organisation Mondiale de la Santé [OMS], les concentrations maximales en nitrate NO3- et en nitrite NO2- à ne pas dépasser, pour raison de santé, dans l’eau de boisson seraient respectivement de 50 mg NO3- l-1 et de 3 mg NO2- l-1 [According to WHO guidelines, upper limits for nitrate and nitrite are 50 mg/L and 3 mg/L]. En fait, le rôle néfaste des ions nitrate et nitrite dans l’organisme est maintenant remis en question. On constate que la voie Nitrate alimentaire-Nitrite-NO s’ajoute, en pratique, à la voie classique de la L-arginine ou de la NO synthase, jouant un rôle de soutien en cas d’hypoxie et d’acidose [The view that nitrate and nitrite are harmful is now being questioned […]. It seems that nitrate-nitrite-NO pathway is complementary or even a back-up system (mostly during hypoxia and low pH) to the classical L-arginine-NO synthase pathway].

Des travaux récents ont mis en évidence un certain nombre d’effets favorables des ions nitrate et nitrite. Les auteurs citent, entre autres, un effet protecteur chez la souris à l’égard des lésions d’ischémie-reperfusion, un effet hypotenseur chez l’homme et l’animal, une diminution du "stress oxydatif", une amélioration de l’efficacité mitochondriale, une diminution de la consommation d’oxygène lors de l’exercice physique, une diminution du taux sérique des triglycérides accompagnée d’une normalisation de la tolérance au glucose chez la souris déficiente en NO synthase endothéliale. Les ions nitrate et nitrite pourraient intervenir dans la prévention et le traitement du diabète de type 2 [These findings may have implications in prevention and treatment of type 2 diabetes].

Ayant cité ces effets bénéfiques des ions nitrate et nitrite, les auteurs s’empressent d’ajouter qu’il convient, à leurs yeux, malgré tout, de les replacer dans un contexte d’ensemble, de manière à ne pas oublier les effets défavorables, abordés dans divers autres travaux [These potential therapeutic effects should however be considered in the context of reports on the harmful effects of nitrate/nitrite and L-arginine]. La formation de NO favoriserait la destruction des cellules pancréatiques bêta lors du développement du diabète de type 1 de la souris. Les médicaments donneurs de NO provoqueraient également des lésions de ces cellules bêta des îlots de Langerhans. L’oxyde nitrique NO serait en cause dans la diminution de la sécrétion d’insuline chez le rat prédiabétique. L’ion nitrate rendrait plus précoce l’apparition de l’hypertension et augmenterait l’incidence du diabète [Nitrate may cause early onset of hypertension and increased incidence of diabetes]. Il favoriserait l’apparition d’anomalies de la fonction rénale.  A long terme, il induirait, au moins chez l’animal, une tendance à l’hypothyroïdie [In addition nitrate may induce kidney dysfonction and long-term nitrate therapy, at least in animal studies, may produce hypothyroidism].

Précurseur des nitrosamines, les ions nitrate ont, par ailleurs, été accusés de favoriser l’apparition de cancers. Chez l’homme, une telle crainte, les auteurs l’admettent, s’est avérée scientifiquement infondée [Cancer, particularly of the stomach, is another concern attributed to nitrate […]. However no causative link between nitrite and nitrate exposure and cancer including stomach cancer has been documented in humans].

Au total, les auteurs constatent ce qu’ils appellent une “dichotomie” entre les effets fastes et néfastes des ions nitrate et nitrite. A leurs yeux, de nouveaux travaux s’avèrent nécessaires, notamment afin d’identifier les sujets qui seraient, à l’avenir, le plus susceptibles de tirer bénéfice des apports majorés en nitrate et en nitrite [In conclusion, there is a dichotomy of current scientific attitudes about the use of nitrate and nitrite; i.e. having potential new therapeutic application for human health or having potential human risks and further researches are needed in this field, especially to identify individuals that may benefit from nitrate/nitrite therapy].

Commentaire du blog

Il est vrai que la lecture de la littérature consacrée aux effets biologiques, certains ou supposés, des ions nitrate et nitrite peut prêter à confusion, du moins lorsque l’on ne tient pas compte de la valeur scientifique de chacun des articles publiés et que l’on omet d’effectuer le tri nécessaire.

Les effets biologiques favorables des nitrates alimentaires sont nombreux et importants. Les auteurs n’en citent que quelques-uns. Pour avoir une idée plus exacte du sujet, on consultera le chapitre J de la page: RUBRIQUES PAR THEMES.

A juste raison, les auteurs estiment infondé le grief carcinologique.

Mais les divers effets néfastes sur le pancréas, la tension artérielle, le rein et la thyroïde qu’ils attribuent éventuellement aux ions nitrate ne sont pas davantage convaincants.

On se souvient que la concentration plasmatique en nitrate NO3- et en nitrite NO2- [NOx] est augmentée de 60 % par un entraînement sportif fait d’exercices physiques réguliers de moyenne intensité pendant six mois [Zaros et coll., rubrique du 4 novembre 2009]. On se souvient que la concentration plasmatique en nitrate NO3- est, en moyenne, 9 fois plus importante chez le Tibétain vivant à 4200 m. d’altitude que chez l’Américain vivant au niveau de la mer [Erzurum et coll., rubrique du 30 octobre 2009].

Si ces effets néfastes sur le pancréas, la tension artérielle, le rein et la thyroïde étaient réels, on devrait les observer chez le sportif et les sujets vivant en altitude. Si on ne les observe pas chez ces mêmes sujets, c’est bien, à l’inverse, que les ions nitrate et nitrite sont, à cet égard, réellement inoffensifs.

La seule toxicité réelle à bien connaître est celle de l’ion nitrite NO2-; elle concerne le nourrisson âgé de moins de six mois.

Lorsqu’un biberon est préparé avec une eau de puits «sordide» contenant plus de 106 germes ml-1, les ions nitrate NO3- présents dans le biberon peuvent y être transformés en ions nitrite NO2-. Le nourrisson ingérant des ions nitrite est alors menacé de développer une affection aiguë, le plus souvent bénigne mais potentiellement grave, la méthémoglobinémie.

Aucun danger n’existe, par contre, avec l’eau d’adduction publique. Cette dernière est bactériologiquement contrôlée. Elle contient constamment moins de 102 germes ml-1. Quelle que soit leur concentration, les ions nitrate présents dans le biberon ne peuvent, alors, être transformés en ions nitrite [Tamme et coll., rubriques des 7, 11 et 14 mai 2010]. Avec l’eau d’adduction publique, le risque méthémoglobinémique est nul.

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