Les céphalées de la nitroglycérine

Tfelt-Hansen, P.C. and Tfelt-Hansen, J. (2009) Nitroglycerine headache and nitroglycerin-induced primary headaches from 1846 and onwards: A historical overview and an update. Headache 49, 445-456

(voir l'abstract ici)

Notre rubrique du 8 janvier 2010 comparait le monoxyde d’azote ou oxyde nitrique NO à un «phénix renaissant de ses cendres». Le NO synthétisé dans les cellules se transforme en nitrates. Ceux-ci se retransforment ensuite en nitrites et en NO. Le NO réapparaît, prêt, ainsi, à nouveau, à faire sentir ses effets.

Parmi ses principales actions, on retient ses propriétés vasodilatatrices.

Peer et Jacob Tfelt-Hansen (Copenhague), l’un neurologue, l’autre cardiologue, relatent l’histoire singulière des céphalées de la nitrogycérine (NTG).

C’est à Paris, en 1846, que le chimiste italien Ascanio Sobrero synthétise pour la première fois le trinitrate de glycéryle, dont l’autre nom n’est autre que nitroglycérine. En 1867, Alfred Nobel stabilise la molécule avec des kieselguhrs (poudre fossile de diatomées), ce qui lui permet de produire la dynamite. En 1879, William Murrell utilise cette NTG pour la première fois dans le traitement de l’angine de poitrine (angor). C’est la fameuse «trinitrine» qui, comme on le sait, est utilisée depuis, avec succès, par les praticiens, dans le traitement de l’angor, de l’infarctus du myocarde et de l’insuffisance cardiaque.

En 1846, répondant à une sorte de réflexe professionnel, Ascanio Sobrero goûte sa nouvelle molécule; il constate immédiatement un effet imprévu: «Il faut faire très attention», prévient-il. «Une toute petite quantité sur la langue suffit pour déclencher de violents maux de tête, qui durent ensuite plusieurs heures».

Par la suite, les ouvriers travaillant à la fabrication de la dynamite ont également à se plaindre de céphalées. Comme la symptomatologie douloureuse induite par l’exposition professionnelle donne lieu à un phénomène de tolérance et que ce dernier n’est que de courte durée, les sujets qui se reposent le dimanche se retrouvent céphalalgiques le lendemain, contrairement à ceux qui continuent à travailler le week-end et restent, eux, exempts de ces fâcheuses conséquences. L’affection est connue sous la dénomination explicite de «maladie du lundi» («Monday disease»). Pour l’éviter, il suffit, pour l’ouvrier, d’emmener chez lui, le jour du repos, de petites quantités de dynamite et de s’en frotter la peau; le lendemain, à la reprise du travail, il a la satisfaction de ne pas voir les céphalées réapparaître.

En 1977, une équipe, sous la direction de Ferid Murad, un des lauréats du prix Nobel 1998, suggère que les effets de la NTG sont dus au l’oxyde nitrique NO. En 1979, une autre équipe, sous la direction de Louis Ignarro, autre lauréat du prix Nobel 1998, montre que le NO provoque une relaxation des muscles lisses des vaisseaux. On sait maintenant que le trinitrate de glycéryle, ou nitroglycérine (NTG), ou trinitrine, est «donneur de NO». Sa puissante action vasodilatatrice explique sa particulière propension à déclencher des céphalées.

Commentaire du blog

Il est intéressant et étonnant de constater

- qu’une même molécule s’avère à la fois un explosif redoutable et un traitement utile et efficace en cardiologie; c’est vraisemblablement la raison pour laquelle deux noms distincts lui sont donnés: nitroglycérine et trinitrine

- qu’exactement 100 ans (1879-1979) séparent le moment où les médecins commencent à utiliser la trinitrine pour ses effets bénéfiques cardiovasculaires et celui où ils en comprennent finalement le mécanisme d’action.    

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