Nitrates et thyroïde

Pearce, E.N and Braverman, L.E. (2009) Environmental pollutants and the thyroid. Best Practice and Research Clinical Endocrinology and Metabolism 23, 801-813.

(voir l'abstract ici)

On considère qu’au-delà de certaines doses, une centaine de substances naturelles ou synthétiques sont susceptibles d’exercer des effets indésirables sur la fonction thyroïdienne ou sur le métabolisme des hormones thyroïdiennes.

Ces substances à tropisme thyroïdien peuvent exercer leur action à des niveaux variés. Certaines substances inhibent la thyroperoxydase, freinant, de la sorte, la synthèse d’hormone thyroïdienne. D’autres contrecarrent la fixation des hormones thyroïdiennes à la protéine qui les transporte dans la circulation sanguine. D’autres activent les enzymes hépatiques qui participent au métabolisme hormonal. D’autres exercent une action directe, en périphérie, sur le récepteur cellulaire à l’hormone thyroïdienne. D’autres enfin, ce sont elles sur lesquelles notre intérêt se porte, inhibent de manière compétitive l’action de la protéine qui, dans la glande, assure le transport couplé à la fois de l’ion sodium et de l’ion iodure: le «symporteur sodium-iodure» ou NIS (sodium/iodine symporter).

Trois ions agissent sur le NIS, l’ion perchlorate ClO4-, l’ion thiocyanate SCN- et l’ion nitrate NO3-. L’action compétitive à l’égard du NIS de l’ion thiocyanate est connue pour être 15 fois moins puissante que celle de l’ion perchlorate, et l’action compétitive à l’égard du NIS de l’ion nitrate est connue pour être, respectivement, 16 et 240 fois moins puissante que celle de l’ion thiocyanate et de l’ion perchlorate.

Les auteurs américains (Boston, Massachusetts) font une revue de la littérature. Pour les trois ions, ils recensent des données contradictoires. En particulier, pour l’ion nitrate, ils rapportent le travail de Below et coll. (2008) qui, chez 3772 adultes, ne montre pas de lien statistique entre les concentrations urinaires en nitrates et le volume thyroïdien mesuré en échographie, et celui de Hunault et coll. (2007) qui, chez 10 sujets volontaires, ne montre pas de modifications des fonctions thyroïdiennes après ingestion quotidienne, pendant un mois, de 700 à 800 mg de NO3-. A l’inverse, ils rapportent trois publications provenant de Bulgarie et de Slovaquie. Ces trois publications (Gatseva et coll., 2008, Gatseva et coll., 2008 et Tatjakova et coll., 2006) signalent que, dans certaines sous-populations (enfants d’âge scolaire, femmes enceintes), les augmentations de volume de la glande thyroïde ou les perturbations des fonctions thyroïdiennes sont statistiquement plus fréquentes lorsque l’eau de boisson est riche en nitrates (respectivement, dans ces trois études: 75, 93, et entre 51 et 274 mg NO3- par litre).

La conclusion des auteurs américains est la suivante: Le perchlorate, le thiocyanate et le nitrate sont, tous trois, à doses pharmacologiques, des inhibiteurs, par compétition, du symporteur sodium-iodure (NIS), mais aux niveaux d’exposition «environnementaux», leurs effets sur la fonction thyroïdienne restent peu clairs [Perchlorate, thiocyanate and nitrate are all competitive inhibitors of NIS at pharmacological doses, but their effects on human thyroid function at environmental exposure levels remain unclear].

Commentaire du blog

La méthodologie des études de Gatseva et coll. et de Tatjakova et coll. peut être discutée. L’eau de boisson n’est pas la seule source exogène en nitrates. N’oublions ni les viandes, ni surtout les légumes, très riches en nitrates. 

Les teneurs de la salive en thiocyanate sont du même ordre de grandeur que leurs teneurs en nitrates. Si, dans les conditions d’exposition de la vie courante, l’effet de l’ion thiocyanate sur la fonction thyroïdienne n’apparaît pas évidente, il est légitime de s’interroger encore davantage sur l’effet d’un ion, l’ion nitrate, dont la puissance à l’égard du NIS est 16 fois moindre.

Enfin, rappelons que, par l’intermédiaire de la voie de la L-arginine, l’exercice ou l’activité sportive augmentent fortement la synthèse endogène des nitrates (voir notre rubrique du 4 novembre 2009). Ni l’exercice physique, ni l’activité sportive ne sont à l’origine de perturbations thyroïdiennes.    

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