«La France agricole»: un dossier remarquable (5)

Pavard, P. (2013) Nitrates et santé. L’étonnante contre-enquête. La France agricole 3478, 38-51

(Suite)

La quatrième et dernière partie de l’article est intitulée: «Des sportifs gagnés par la fièvre de la betterave rouge» (pages 48-51). Elle rapporte toutes sortes de travaux consacrés aux effets favorables des nitrates alimentaires sur l’effort physique et sportif, travaux déjà mentionnés dans ce blog [Voir la page RUBRIQUES PAR THEMES]. Elle est aussi riche en curiosités et anecdotes.

Une photographie montre l’arrivée victorieuse, bras écartés, visage radieux, de David Weir, à l’occasion d’une épreuve d’athlétisme des derniers Jeux paralympiques d’été [Londres, aout-septembre 2012]. Célèbre sportif britannique, devenu héros national, l’athlète a gagné quatre médailles d’or à Londres, celles du 800 m., du 1500 m., du 5000 m. et du marathon. Lors de la cérémonie officielle de remerciement des sportifs britanniques, le maire de Londres, Boris Johnson, a révélé que, comme il le lui avait confié, David Weir n’avait pas pris d’autre stimulant que…du jus de betterave rouge.

Quelques semaines plus tôt, aux Jeux olympiques d’été [Londres, juillet-aout 2012], «l’utilisation de ce jus – à cause de sa richesse en nitrates – a bien été un phénomène marquant». Plusieurs équipes, non seulement l’équipe britannique, mais aussi les équipes des Etats-Unis, du Canada, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et des Pays-Bas l’ont utilisé pour la préparation physique de leurs athlètes. Parmi les sportifs qui ont «carburé» à la betterave rouge, on trouve Mo Farah, l’athlète britannique qui a remporté la médaille d’or des 5000 et 10000 m.

Pour leur entraînement, d’autres athlètes renommés recourent également au jus de betterave: la spécialiste du 800 m., Marylin Okoro, les spécialistes du marathon, Helen Davies (née Decker), Chris Carver et Ryan Hall, le nageur Ian Hulme, le rugbyman Ben Foden.

Un encadré présente les produits de nutrition à haute teneur en nitrates destinés aux sportifs et à présent commercialisés:

- «Beet it» [James White Drinks Ltd, Royaume-Uni], concentré de betterave rouge, en bouteille de 70 ml, disponible en deux versions:

- «Beet it organic». Sa concentration en nitrate est de 4285 mg NO3- l-1. Il contient 300 mg de nitrate NO3-

- “Beet it sport”. Sa concentration en nitrate est de 5714 mg NO3- l-1. Il contient 400 mg de NO3-

[Ajoutons-y une version sans nitrate, que l’on peut utiliser à titre de placebo dans les études scientifiques.]

- «Go Plus Nitrates» [Science in Sport Ltd, SIS, Royaume-Uni], concentré de bette et de rhubarbe sous forme d’un gel à boire de 60 ml.

Sa concentration en nitrate est de 4167 mg NO3- l-1. Il contient 250 mg de nitrate NO3-. Une photographie montre un gel «Go Plus Nitrates», de couleur pêche, dépassant de la poche arrière d’un coureur cycliste du Tour de France 2012 [Tony Gallopin, équipe RadioSchack].

Un encadré présente l’avis de Marc Francaux, professeur de physiologie de l’exercice [Université de Louvain, Belgique]. Celui-ci pense que «seuls les sportifs pratiquant des disciplines […] comme le cyclisme, la course à pied à partir de 400 m ou la nage au-delà du 100 m. […] peuvent avoir un intérêt à recourir au jus de betterave.» Par contre, «cela n’a pas d’intérêt», dit-il, «pour des épreuves intensives comme un 100 m.». Lorsqu’on lui demande si la supplémentation en nitrates d’origine végétale au long cours, ne pourrait pas, à la longue, rendre «paresseuse» la voie endogène de formation de NO, il répond que la «question […] n’est pas tranchée». Il émet aussi l’hypothèse que «dans le haut niveau […], il y ait de bons et de mauvais répondeurs au jus de betterave».

Un dernier encadré explique pourquoi le jus «Beet it» et le gel «Go Plus Nitrates» ne peuvent être considérés comme des produits dopants [Cf. à ce sujet, rubrique du 15 avril 2012]. Si l’on s’en tient à la France, on apprend incidemment que, quand elles ont été contactées par la rédaction de «La France Agricole», ni l’Agence Française de Lutte contre le Dopage [AFLD], ni l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail [ANSES] ne semblaient être au courant de l’engouement des supplémentations en nitrate dans le milieu sportif.

Commentaires du blog

On aura remarqué que les concentrations en nitrate du «Beet it organic» du «Beet it sport» et du «Go Plus Nitrates», maintenant à la disposition des sportifs, sont respectivement 86, 114 et 83 fois plus importantes que la limite de 50 mg NO3- l-1 toujours imposée par la réglementation européenne à l’eau d’adduction publique.

L’avis catégorique de M. Francaux concernant l’inutilité de la supplémentation en nitrate pour la préparation d’une épreuve comme le 100 m. pourrait prêter à discussion. Si aucune étude n’a, semble-t-il, porté jusqu’ici sur les résultats d’une supplémentation en nitrate sur le temps requis pour un 100 m., c’est parce que le temps de l’épreuve est très bref et que, de ce fait, pour tout expérimentateur, il s’avère difficile de constater, dans une telle épreuve, des différences statistiquement significatives entre les sujets traités par la supplémentation en nitrate et ceux qui ne recevraient que du placebo. Mais s’il s’avérait, un jour, que la supplémentation en nitrate fait gagner un ou des centièmes de seconde au 100 m., l’intérêt pour le sprinter deviendrait aussi grand qu’il peut l’être pour un coureur de fond ou un cycliste quand ceux-ci gagnent plusieurs secondes.

Dans cet article, «La France Agricole» met l’accent sur deux curieux contrastes, au détriment de notre pays:

1) L’intérêt de la supplémentation par les nitrates est maintenant bien connu des milieux sportifs au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande, etc. Au cours des deux dernières années, la presse anglo-saxonne en a abondamment parlé. En France, excepté les coureurs du Tour de France, peu de sportifs semblent encore au courant. En France, la grande presse est muette.

2) Depuis plusieurs années, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en Suède notamment, de nombreuses équipes scientifiques travaillent sur l’effet que la supplémentation en nitrate est capable d’exercer sur les résultats sportifs. En France, encore tout récemment, ni l’AFLD, ni l’ANSES, qui auraient dû être en première ligne, n’en semblaient véritablement informées.

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