«La France agricole»: un dossier remarquable (3)

Pavard, P. (2013) Nitrates et santé. L’étonnante contre-enquête. La France agricole 3478, 38-51

(Suite)

La deuxième partie (pages 42-44): «Pourquoi des médecins leur trouvent des vertus» souligne le lien existant entre les nitrates NO3- et l’oxyde nitrique NO.

Un encadré intitulé: «Trente-cinq ans de découvertes. L’imbrication des nitrates avec l’oxyde nitrique: une notion récente» offre d’abord un rappel historique.

Tardivement, en 1986, l’oxyde nitrique NO est reconnu comme le produit vasodilatateur sécrété par l’endothélium. En 1987, on décrit la voie endogène: à partir de la L-arginine, elle permet la synthèse du radical NO et, par voie de conséquence, celle des ions nitrate et nitrite. En 1994, deux équipes, l’une britannique (Pr N. Benjamin), l’autre suédoise (Pr J. Lundberg), découvrent qu’à la suite d’un cycle entérosalivaire, les nitrates d’origine alimentaire sont transformés en nitrites dans la cavité buccale, ces nitrites étant eux-mêmes transformés en NO dans l’estomac. Dès 1996, notamment en France, des voix médicales s’élèvent pour contester la validité scientifique des mesures réglementaires édictées à l’égard des nitrates alimentaires. En 1998, le prix Nobel de Médecine est attribué à Murad, Furchgott et Ignarro pour leurs travaux sur le NO.

Deux figures illustrent l’ensemble du texte: 1) «Nitrates alimentaires: plusieurs phases pour aboutir à la formation d’oxyde nitrique NO». 2) «NO: deux voies cohabitent». La première permet de comprendre le métabolisme des nitrates, un métabolisme qui a pour particularité de comporter un cycle entérosalivaire. La seconde explique la raison de la «cohabitation» de deux voies, endogène et entérosalivaire, capables d’aboutir l’une et l’autre à la formation, dans l’organisme, d’oxyde nitrique NO. La voie endogène fonctionne, grâce aux NO synthases, dans des conditions d’oxygénation tissulaire normales. La voie entérosalivaire, qui dépend des apports alimentaires en nitrate et nitrite, s’ajoute à la précédente. Elle est apte à prendre le relais quand les conditions d’oxygénation tissulaire sont déficientes, par exemple lors des cardiopathies ou de divers phénomènes ischémiques (infarctus du myocarde, exercices physiques intenses, séjour en haute altitude, etc.).

Les colloques se multiplient à l’étranger: Stockholm (2009), Atlanta (2011), Edimbourg (2012). «Le prochain est prévu à Pittsburgh début mai. La médecine anglo-saxonne avance sans états d’âme.»

En France, «mis à part quelques médecins […], la France reste complètement à l’écart de ce renversement d’approche. Le sujet reste tabou.» On notera, certes, deux colloques internationaux, l’un au Sénat en 2000, l’autre à la Pitié-Salpêtrière en 2011, puis la parution, en octobre 2012, du dossier de «Science et Vie»: «Nitrates: attention ils sont bons pour la santé». En France, «cette parution n’a pas non plus réveillé l’intérêt médiatique».

Dans un encadré, la parole est donnée à D. Quickert-Menzel, juriste et représentante d’une association de consommateurs, la CLCV (Consommation, Logement et Cadre de Vie). L’intervenante met en avant le risque de méthémoglobinémie du nourrisson, en raison de la «faculté de l’organisme humain de transformer les nitrates en nitrites». Elle s’inquiète de ce que des régimes riches en légumes puissent apporter chaque jour «entre 175 et 195 mg de nitrates, sans que l’on sache à terme les effets qu’ils pourront avoir (seul ou en contact avec d’autres molécules)». Enfin, elle évoque les effets des nitrates sur l’environnement, si bien que tout relèvement de la norme pour l’eau de boisson «favoriserait la dégradation des ressources et risquerait de nuire aux efforts pour réduire la pollution».

Commentaire du blog

Aucune des trois remarques avancées par la juriste de la CLCV n’est réellement pertinente.

1) La méthémoglobinémie du nourrisson est due à la transformation des nitrates en nitrites dans le biberon, lorsque le nombre de bactéries y est supérieur à 1 million par ml. Elle n’est absolument pas due à une transformation des nitrates en nitrites dans l’organisme.

2) Les régimes riches en légumes peuvent apporter, chaque jour, bien plus de 195 mg de nitrate. On considère qu’un régime végétarien classique apporte jusqu’à 280 mg de nitrate par jour. Le «DASH diet», préconisé aux Etats-Unis pour réduire l’hypertension artérielle, apporte 1200 mg de nitrate par jour. Le raisonnement de la juriste conduirait à déconseiller la consommation de «cinq fruits et légumes par jour», alors qu’une telle consommation est, à juste titre, fortement recommandée par tous les hygiénistes et diététiciens.

3) L’argument environnementaliste est dénué de fondement. A supposer que l’ion nitrate soit en cause dans le phénomène des marées vertes, ce qui est loin d’être démontré [rubrique du 5 septembre 2012], il conviendrait alors de réglementer la teneur en nitrate dans l’eau des embouchures, nullement dans l’eau du robinet.

(A suivre)

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