Nitrate, nitrite, nitrosamine, cancers œsophagiens et gastriques

Keszei, A.P., Goldbohm, R.A., Schouten, L.J., Jaksyn, P. and van den Brandt, P.A. (2013) Dietary N-nitroso compounds, endogenous nitrosation, and the risk of esophageal and gastric cancer subtypes in the Netherlands Cohort Study American Journal of Clinical Nutrition 97, 135-146

(voir l'abstract ici)

Entre 1986 et 2002, une étude néerlandaise, la “Netherlands Cohort Study”, s’est penchée de manière prospective sur les éventuels liens entre alimentation et cancer.

Le travail présenté ici par les auteurs [Université de Maastricht, Pays-Bas] porte sur un ensemble de 120.000 sujets, âgés de 55 à 69 ans, se répartissant de façon égale entre 60.000 hommes et 60.000 femmes. Parmi tous ces sujets, il se trouve que 110 ont été atteints de carcinome épidermoïde de l’œsophage, 151 d’adénocarcinome de l’œsophage, 166 d’adénocarcinome du cardia et 497 d’adénocarcinome gastrique hors cardia.

Qu’ils soient indemnes ou atteints, tous répondent à un questionnaire alimentaire de 150 items.

Aucun lien statistiquement significatif n’apparaît entre les apports en nitrate NO3- et les différentes formes de cancer œsophagien et gastrique [Analyses of nitrate intake and esophageal and gastric cancer subtypes are presented in Table 5. Significant associations were not seen for any esophageal or gastric cancer subtypes].

Aucun lien statistiquement significatif n’apparaît entre les apports en nitrite NO2- et les cancers œsophagiens et gastriques de la femme. Aucun lien n’apparaît non plus entre les apports en nitrite NO2- et les adénocarcinomes gastriques de l’homme, que ces derniers affectent ou non le cardia [Associations were not detected among women, and no association was seen for esophageal adenocarcinoma and gastric subtypes].

Concernant ces apports en nitrite NO2-, les auteurs signalent, par contre, une certaine tendance à l’association entre ceux-ci et le carcinome épidermoïde de l’œsophage, chez l’homme (p=0.06). La tendance disparaît lorsque sont pris en compte les cas à la fois masculins et féminins [A combined analysis of men and women showed no association with esophageal squamous cell carcinoma].

Concernant les nitrosamines, aucun lien statistiquement significatif n’apparaît entre les apports en N-nitrosodiméthylamine et les cancers œsophagiens et gastriques de la femme [Among women, models with continuous N-nitrosodimethylamine exposure showed a weak significant association with esophageal squamous cell carcinoma. However, tests for trend were not significant. No association was seen for esophageal adenocarcinoma or gastric cancer subtypes].

Chez l’homme, aucun lien n’existe non plus entre les apports en N-nitrosodiméthylamine et les adénocarcinomes de l’œsophage et du cardia [There […] was not association with esophageal adenocarcinoma or gastric cardia adenocarcinoma]. Par contre, il est à la fois noté, chez lui, un faible lien (p = 0.02) entre les apports en N-nitrosodiméthylamine et le cancer de l’estomac hors cardia et un lien plus soutenu entre ces mêmes apports et le carcinome épidermoïde de l’œsophage (p = 0.01).

Un élément mérite aussitôt discussion. Dans les pays industrialisés, le carcinome épidermoïde de l’œsophage est connu pour être lié à une haute consommation alcoolo-tabagique. Dans l’étude des auteurs, les sujets appartenant au tertile à fort apport en N-nitrosodiméthylamine (apport moyen: 0.35 μg j-1) sont, en réalité, également ceux qui consomment le plus de bière. La bière est particulièrement riche en N-nitrosodiméthylamine. Dans ce groupe, 80% des apports en N-nitrosodiméthylamine proviennent de la seule consommation de bière.

Les auteurs sont conscients de la difficulté. Le lien qu’ils enregistrent, chez l'homme, entre les apports en N-nitrosodiméthylamine et le carcinome épidermoïde de l’œsophage pourrait n’être, en réalité, que le reflet du lien tout à fait classique existant entre les apports alcooliques et ce type histologique de cancer œsophagien. Comme, après restriction de l’analyse aux sujets non-buveurs de bière, la tendance semble persister, les auteurs maintiennent cependant leur point de vue [Alcohol consumption is associated with the risk of esophageal squamous cell carcinoma. Because there was a strong correlation between alcohol in beer and N-nitrosodimethylamine intake in our study, we evaluated the possibility that the association shown in this study was due to alcohol in beer rather than to N-nitrosodimethylamine intake by restricting the analysis to non-beer drinkers. These analyses also showed a strong positive association between N-nitrosodimethylamine and esophageal squamous cell carcinoma among men, which supports the role of N-nitrosodimethylamine in the association].

Commentaire du blog

Cette étude néerlandaise portant sur le thème nitrates-cancer suscite les mêmes réserves méthodologiques que les précédentes.

Les auteurs signalent eux-mêmes le manque de fiabilité des évaluations d’apports par questionnaire rétrospectif [It is difficult […] to estimate the N-nitrosodimethylamine intake of individuals based on questionnaire and published data on N-nitrosodimethylamine contents of food].

Si l’on en croit les conclusions de l’étude, le lien entre les apports en N-nitrosodiméthylamine et le carcinome épidermoïde de l’œsophage concernerait l’homme, tout en épargnant la femme. Il est pourtant tentant, dans l’un et l’autre sexe, de faire principalement, sinon uniquement, intervenir la responsabilité de l’intoxication alcoolique.

Selon les chiffres fournis par les auteurs, alors que de la consommation moyenne d’alcool dans la population générale masculine est estimée à 9.6 grammes (avec, dans cette population témoin masculine, une consommation quotidienne moyenne de 0.084 μg de N-nitrosodiméthylamine), les hommes atteints de carcinome épidermoïde de l’œsophage consomment chaque jour, en moyenne, 24.6 grammes d’alcool (avec, par l’intermédiaire de la bière, une consommation quotidienne moyenne de 0.104 μg de N-nitrosodiméthylamine).

Alors que la consommation moyenne d’alcool dans la population générale féminine est de 1.6 grammes (avec une consommation quotidienne moyenne dans l’ensemble de cette population féminine de 0.044 μg de N-nitrosodiméthylamine), les femmes atteintes de carcinome épidermoïde de l’œsophage consomment chaque jour, en moyenne, 6.7 grammes d’alcool (avec une consommation quotidienne moyenne de 0.052 μg de N-nitrosodiméthylamine).

Dans cette étude, on le voit, chez les hommes et chez les femmes atteints de carcinome épidermoïde de l’œsophage, la consommation alcoolique est respectivement 2.5 et 4.2 fois plus importante que dans la population générale.

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