Supplémentation en nitrate et effort en hypoxie

Masschelein, E., Van Thienen, R., Wang, X., Van Schepdael, A., Thomis, M. and Hespel, P. (2012) Dietary nitrate improves muscle but not cerebral oxygenation status during exercise in hypoxia. Journal of Applied Physiology 113, 736-745

(voir l'abstract ici)

De nos jours, les exercices physiques réguliers en hypoxie ne sont pas rares. C’est le cas des skieurs ou des randonneurs en montagne. Il arrive aussi que certains sportifs d’endurance effectuent leurs efforts de haute intensité en réelles conditions d’hypoxie. Les cyclistes du Tour de France, par exemple, peuvent monter jusqu’à 2.800 mètres d’altitude, les coureurs du Pike Peak marathon [Colorado, USA] jusqu’à 4.300 mètres [Also some endurance sports involve high-intensity exercise in hypoxia, such as mountain stages in cycling (up to ~2.800m in Tour de France) or mountain running events (i.e. Pikes Peak marathon to ~4.300m in Colorado, U.S.].

La chute de la pression partielle artérielle en oxygène inhérente au séjour en altitude diminue la performance physique. Au-delà de 3.500 mètres, le séjour en altitude peut également déclencher divers troubles fonctionnels: céphalées, nausées, vomissements, insomnie, lassitude, vertiges, etc., connus sous le nom global de "mal aigu des montagnes".

Qu’elle soit fournie sous forme de nitrate de sodium ou sous forme de jus de betterave, une supplémentation orale en nitrate réduit la consommation en oxygène lors de l’effort physique [Cf. rubriques du 04 12 2009, des 15 06 et 15 10 2010, du 05 03 2011 et du 28 06 2012].] [Recent data have provided substantial evidence to indicate that dietary nitrate supplementation in young healthy volunteers, either in form of pure sodium nitrate or beetroot juice, reduces the oxygen cost of a given intensity of muscle contractions].

Dans cette étude, les auteurs [Université de Louvain, Belgique] cherchent à savoir dans quelle mesure, lorsque le sujet est en condition d’hypoxie, une supplémentation orale en nitrate retentit sur la performance physique et sur les niveaux d’oxygénation tissulaire, musculaire et cérébrale. Ils cherchent à savoir si, dans ce même cas de figure, elle prévient l’apparition des symptômes du «mal aigu des montagnes».

15 jeunes sujets en bonne santé [âge moyen 21 ans], reçoivent chaque jour, pendant 6 jours consécutifs, soit 500 ml d’un jus de groseille, à titre de placebo, soit 500 ml d’un jus de betterave apportant 300 mg environ de nitrate NO3-. Pendant les 5 premiers jours, la supplémentation est répartie au cours de la journée en cinq doses identiques de 100 ml. Le 6ème jour, les 500 ml sont ingérés en une seule fois, 1 à 2 heures avant le début de l’expérience.

Les exercices physiques sont effectués sur cyclo-ergomètre, soit en normoxie, l’air ambiant comprenant alors 20.9% d’oxygène, soit en hypoxie, l’air ambiant ne contenant plus que 11% d’oxygène (comme à 5.000 mètres d’altitude).

L’index d’oxygénation tissulaire [TOI], musculaire et cérébrale, est apprécié par spectroscopie proche infrarouge [NIRS]. La recherche des symptômes du «mal aigu des montagnes» est effectuée à l’aide d’un questionnaire de dépistage: le «Lake Louise Scoring System».

En moyenne, alors que, pour l’effort demandé, le temps jusqu’à épuisement est, en normoxie, de 14 minutes et 48 secondes, il n’est plus, en hypoxie et après ingestion de jus de groseille (placebo) que de 9 minutes et 28 secondes. Si ce même effort en hypoxie est précédé de l’ingestion de jus de betterave (riche en nitrate), il devient légèrement plus long: 9 minutes et 57 secondes. La différence, d’environ 5%, avoisine les 30 secondes.

Par ailleurs, en situation d’hypoxie, l’ingestion préalable du jus de betterave diminue de façon significative la consommation en oxygène, au repos comme en effort submaximal [Compared with HYPCON, VO2 at rest and during EX45% was lower in HYPBR (p˂0.05)].

De même, en situation d’hypoxie, l’index d’oxygénation musculaire [TOIM] est trouvé plus élevé de 4 à 5% après ingestion de jus de betterave qu’après ingestion du jus de groseille (placebo) [TOIM was 4-5% higher in HYPBR than in HYPCON both at rest and during EX45% and EXmax (p˂0.05)].

Par contre, en situation d’hypoxie, l’ingestion préalable de jus de betterave ne parvient ni à modifier l’index d’oxygénation cérébrale [TOIC], ni à diminuer l’incidence des symptômes du «mal aigu des montagnes» [TOIC as well as the incidence of acute mountain sickness (AMS) symptoms were similar between HYPCON and HYPBR at any time].

Ainsi, lorsqu’un effort est effectué en situation de forte hypoxie, une brève supplémentation orale en nitrate améliore l’oxygénation artérielle et musculaire, sans améliorer pour autant l’oxygénation cérébrale [Short-term dietary nitrate supplementation improves arterial and muscle oxygenation status, but not cerebral oxygenation status, during exercise in severe hypoxia].

Il reste à préciser les effets d’une supplémentation orale en nitrate chez un sujet chroniquement exposé à la haute altitude. On aimerait savoir si, dans ce cas, la supplémentation orale en nitrate exerce ou non  un effet préventif à l’égard des symptômes du «mal aigu des montagnes» ou à l’égard de l’œdème cérébral de haute altitude [It remains to be investigated whether muscle O2-sparing due to nitrate intake during prolonged exposure to high altitude, can elevate arterial O2 content to such degree that prevention of acute mountain sickness and high altitude cerebral edema becomes an additional mechanism for improvement of exercise tolerance.]

Commentaire du blog

Sur ces derniers points, une réponse précise ne peut venir que d’études ciblées. On rappellera cependant le travail de Erzurum et coll. (2007) [Cf. rubrique du 30 octobre 2009] montrant une production endogène de NO par la voie de la NO synthase 4 fois plus importante chez le Tibétain vivant à 4200 mètres d’altitude que chez le sujet témoin vivant au bord de la mer. On peut supposer qu’en cas de séjour très prolongé en haute altitude, la synthèse endogène en nitrate intervienne de façon plus marquée que les apports alimentaires, même majorés, en nitrate.

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