Nitrates et nitrites dans la salive du nourrisson

Kanady, J.A., Aruni, A.W., Ninnis, J.R., Hopper, A.O., Blood, J.D., Byrd, B.L., Holley, L.R., Staker, M.R., Fletcher, H.M., Power, G.G. and Blood, A. (2012) Nitrate reductase activity of bacteria in saliva of term and preterm infants. Nitric Oxide 27, 193-200

(voir l'abstract ici)

La propriété qu’ont les grandes salivaires de puiser les ions nitrate NO3- dans le plasma et de les faire passer à concentration nettement plus élevée dans leur produit de sécrétion, la salive, est tout à fait remarquable. Chez l’adulte, sous l’effet des nitrate réductases bactériennes de la flore buccale, les ions nitrate NO3- salivaires sont ensuite convertis, en partie, en ions nitrite NO2-. Par l’intermédiaire de leur transformation en oxyde nitrique NO dans les milieux acides de l’estomac et du collet des dents, les ions nitrite NO2- salivaires jouent, du moins chez l’adulte, un rôle bénéfique, reconnu en physiologie gastro-intestinale comme en physiologie cardiovasculaire [Nitrite can play a beneficial role in adult gastrointestinal and cardiovascular physiology. When nitrite is swallowed, some of it is converted to nitric oxide (NO) in the stomach and may then exert protective effects in the gastrointestinal tract and throughout the body].

Les auteurs américains [Service de Pédiatrie, Université de Loma Linda, Californie, USA] étudient la transformation des ions nitrate en ions nitrite dans la salive de jeunes nourrissons nés avant terme ou à terme ainsi que dans celle de nourrissons âgés de 2 mois. Ils la comparent à celle qui se produit dans la salive de l’adulte. Les prélèvements sont effectués au moins une heure après les repas [Samples were collected at least one hour following meals

Les concentrations en nitrate NO3- dans les salives du nourrisson et de l’adulte sont, respectivement et en moyenne, de 17.6 et 42.2 mg NO3- l-1. La différence n’apparaît pas statistiquement significative.

Les concentrations en nitrite NO2- dans les salives du nourrisson et de l’adulte sont, respectivement et en moyenne, de 0.4 et 2.3 mg NO2- l-1..La différence apparaît, par contre, ici statistiquement significative.

Les capacités salivaires de conversion des ions nitrate NO3- en ions nitrite NO2- sont étudiées après mise en milieu de culture du prélèvement salivaire [Oral bacterial nitrate-reducing activity was measured in fresh oral swabs immediately after placing them in culture media].

Les échantillons salivaires sont prélevés chez 25 nourrissons âgés de moins de 5 jours, 19 nourrissons âgés de 14 à 40 jours, 9 nourrissons âgés d’environ 2 mois et 13 adultes en bonne santé.

Dans cette étude, la production de nitrite d’origine salivaire est estimée, en moyenne:

      – chez le nourrisson prématuré, âgé de moins de 5 jours, sous antibiothérapie, à ~ 0 μg NO2- min-1 mg-1,

      – chez le nourrisson né à terme, âgé de moins de 5 jours, sous antibiothérapie, à ~ 0 μg NO2- min-1 mg-1,

      – chez le nourrisson prématuré, âgé de moins de 5 jours, n’ayant pas reçu d’antibiothérapie, à 0.18 μg NO2- min-1 mg-1,

      – chez le nourrisson né à terme, âgé de moins de 5 jours, n’ayant pas reçu d’antibiothérapie, à 0.23 μg NO2- min-1 mg-1,

      – chez le nourrisson prématuré en bonne santé, âgé de 14 à 40 jours, à 1.28 μg NO2- min-1 mg-1,

      – chez le nourrisson né à terme, âgé de 14 à 40 jours, à 1.03 μg NO2- min-1 mg-1,

       – chez le nourrisson âgé de 2 mois, à 1.05 μg NO2- min-1 mg-1,

       – chez l’adulte, à 6.7 μg NO2- min-1 mg-1.

Par PCR [réaction en chaîne par polymérisation], les auteurs identifient les germes présents dans la salive de 7 nourrissons prématurés, hospitalisés, et 5 nourrissons nés à terme, en bonne santé, résidant hors de la clinique. Ils observent la présence de:

       – Veillonella atypica et Rothia mucilaginosa chez tous les  nourrissons étudiés,

       – Actinomyces odontolyticus chez 5 des 7 nourrissons prématurés et 4 des 5 nourrissons nés à terme,

       – Staphylococcus epidermidis chez tous les nourrissons prématurés et 2 des 5 nourrissons nés à terme.

Ainsi, chez le nourrisson, la conversion des nitrates en nitrites dans la cavité buccale est soit indétectable, soit nettement plus faible que chez l’adulte [Oral bacterial conversion of nitrate to nitrite in infants was either undetectable or markedly lower than the conversion rates of adults].

Certes, la salive du nourrisson contient des bactéries capables de réduire les ions nitrate NO3-en nitrites NO2-. Cependant si, à cet âge, la réduction, dans la salive, des nitrates en nitrites est insignifiante ou très modérée, c’est vraisemblablement parce que le nombre des bactéries nitrato-réductrices y est extrêmement faible [To our knowledge […] this is the first study to report both the presence of nitrate reducing bacteria and measurement of oral nitrate reducing activity. The significantly lower nitrate reductase activity in newborns, despite evidence of their mouths having been colonized by these bacteria, may be due to relatively low bacterial abundance at this age, a factor not measured in the current study].

En définitive, chez le nourrisson, peu de nitrite d’origine salivaire atteint le tractus gastro-intestinal. Quand on considère l’importance, chez l’adulte, du cycle entérosalivaire des nitrates et de l’axe nitrate-nitrite-NO qui en dépend, on peut se demander si le faible nombre des bactéries nitrato-réductrices propre à la flore salivaire du nourrisson ne pourrait pas expliquer la vulnérabilité du premier âge au stress hypoxique comme à diverses pathologies gastro-intestinales [We conclude that relatively little nitrite reaches the infant gastrointestinal tract due to the lack of oral bacterial nitrate reductase activity. Given the importance of the nitrate-nitrite-NO axis in adults, the lack of oral nitrite-reducing bacteria in infants may be relevant to the vulnerability of newborns to hypoxic stress and gastrointestinal pathologies].

Commentaire du blog

Dans cette étude, le délai d’une heure au-delà duquel le prélèvement salivaire peut être effectué parait un peu court, du moins pour l’adulte. On sait que, chez l’adulte, un apport de 124 mg de NO3- peut augmenter les concentrations salivaires en nitrate NO3- et en nitrite NO2- pendant plus de deux heures [McKnight et coll., 1997].

Chez les adultes de cette étude, la concentration salivaire en nitrate: en moyenne, 42 mg NO3- l-1, est supérieure à celle que l’on rapporte habituellement pour des adultes strictement à jeun: entre 1.5 et 12.5 mg NO3- l-1.

En 1980, Eisenbrand et coll. faisaient déjà état de concentrations salivaires en nitrite NO2- nulles ou quasi nulles chez le nourrisson âgé de moins de 6 mois. Comme elle tient plus finement compte de l’âge et des circonstances, cette nouvelle étude fournit une appréciation plus précise des potentialités nitrato-réductrices de la salive du nourrisson.

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