Nitrate et nitrite au camp de base de l’Everest

Levett, D.Z., Fernandez, B.O., Riley, H.L., Martin, D.S., Mitchell, K., Leckstrom, C.A., Ince, C., Whipp, B.J., Mythen, M.G., Montgomery, H.E., Grocott, M.P., Feelisch, M. for the Caudwell Extreme Everest Research Group (2012) The role of nitrogen oxides in human adaptation to hypoxia. Scientific Reports 1:109| DOI: 10.1038/srep00109

(voir le texte entier ici)

Comme on le sait depuis le travail d’Erzurum et coll. (2007), la teneur plasmatique en nitrate NO3- du Tibétain vivant à 4200 mètres d’altitude est près de 10 fois supérieure à celle de l’Américain vivant au bord de la mer: elle est, en moyenne, de 14.5 mg NO3- l-1 chez le Tibétain, de 1.6 mg NO3- l-1 chez l’Américain. De même, alors qu’il n’est pas détectable dans le plasma de l’Américain vivant en basse altitude, l’ion nitrite est détecté à une concentration de 220 μg NO2- l-1, en moyenne, dans le plasma tibétain [rubrique du 30 octobre 2009].

Le «Caudwell Xtreme Everest» [CXE] est le nom donné à un projet de recherche coordonné par le «Center for Altitude, Space and Extreme Environment Medicine» [CASE] de l’University College de Londres. Il se propose d’étudier l’adaptation à l’hypoxie d’’altitude, le but final étant, en définitive, de mieux comprendre comment l’hypoxie peut compliquer certaines situations pathologiques.

24 sujets en bonne santé (18 hommes et 6 femmes), de 35 ans d’âge moyen, participent à l’étude. Ils ne sont pas nés en haute montagne et résident depuis plus de 3 mois à basse altitude. Partant de Londres (altitude: 75 m.), ils se dirigent en avion jusqu’à Katmandou, au Népal (1300 m.). De Katmandou, ils repartent par voie aérienne en direction de Lukla (2800 m.), avant de monter par trekking à Namche (3500 m.) et d’atteindre le Camp de Base de l’Everest, à 5300 mètres d’altitude. Dans un deuxième temps, un sous-groupe de 14 sujets va même jusqu’à gravir le mont Everest à 8848 mètres.

Chez ces sujets, les auteurs évaluent, aux diverses altitudes successives, de 75 à 5300 mètres, les teneurs plasmatiques en nitrate NO3-, en nitrite NO2- et en guanosine monophosphate cyclique (cGMP)

A 75, 1300, 3500 et 5300 mètres d’altitude, les teneurs plasmatiques moyennes en nitrate NO3- sont, respectivement, de 1.36, 1.30, 1.86 et 1.73 mg NO3- l-1.

A 75, 1300, 3500 et 5300 mètres d’altitude, les teneurs plasmatiques moyennes en nitrite NO2- sont, respectivement, de 5.0, 5.5, 12.2 et 9.0 μg NO2- l-1.

A 75, 1300, 3500 et 5300 mètres d’altitude, les teneurs plasmatiques moyennes en guanosine monophosphate cyclique (cGMP) sont, respectivement, de 80, 120, 190 et 160 nM.

Comme l’indiquent les augmentations des teneurs plasmatiques en nitrate NO3- et en nitrite NO2-, chez un sujet vivant au préalable en basse altitude l’hypoxie déclenchée par la montée en haute altitude augmente significativement la synthèse endogène en oxyde nitrique [NO formation increases in lowlanders ascending to high altitude, in agreement with a role in adaptation to hypoxia].

Importante à considérer, cette notion est en accord avec la constatation d’Erzurum et coll. (2007) effectuée chez des Tibétains vivant en haute altitude. On voit qu’il s’agit d’une réponse physiologique générale à l’hypoxie. Si celle-ci est particulièrement marquée chez le Tibétain, c’est peut-être en raison d’une «pression de sélection» qui a pu se développer pendant des milliers d’années [Our findings are consistent with earlier observations of elevated NO metabolic concentrations in the blood of Tibetan highlanders and show that enhanced NO production is not unique to this particular population (perhaps as a result of evolutionary selection pressure over millennia) but an integral physiological response to hypoxic stress in humans].

L’augmentation des teneurs plasmatiques en guanosine monophosphate cyclique (cGMP) est surtout nette à 3500 mètres d’altitude. Les variations des taux plasmatiques des peptides natriurétiques (ANP, BNP, CNP) étant minimes, on peut en déduire que, lors de la montée en haute altitude, ce sont non seulement la production d’oxyde nitrique [NO], mais également sa biodisponibilité, qui sont accentuées [Elevation of cGMP, in the context of minimal fluctuations in plasma natriuretic peptide (ANP, BNP, CNP) levels (an alternative pathway through which cGMP could be enhanced), indicates increased NO availability. Cyclic cGMP was elevated at all altitudes above sea level, also peaking at 3,500m].

Ces données ouvrent des perspectives thérapeutiques. Un patient qui serait dans l’incapacité de répondre correctement à un état d’hypoxie pourrait alors, sans doute, bénéficier soit d’un apport direct exogène en nitrate NO3- ou nitrite NO2-, soit encore, via la NO synthase, d’une action indirecte sur le métabolisme du NO.

Commentaire du blog

Cette étude est, certes, en accord avec celle d’Erzurum et coll. (2007). On remarquera cependant que la concentration moyenne en nitrate NO3- est de 14.5 mg NO3- l-1 chez le Tibétain vivant depuis l’enfance à 4200 mètres d’altitude et qu’elle se situe aux alentours de 1.80 mg NO3- l-1 chez l’Européen venant d’atteindre le Camp de Base de l’Everest, à 5300 mètres. La différence est importante.

On aimerait que, lors d’une étude complémentaire, les concentrations plasmatiques en nitrate NO3- soient à nouveau évaluées à jeun, chez l’habitant des hautes montagnes. Si les données d’Erzurum et coll. sont vérifiées, la «pression de sélection» pourra alors, peut-être, être évoquée.

La même question se pose, d’ailleurs, pour la concentration plasmatique en nitrite NO2-.

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