Nitrate, thyroïde et Amish de Pennsylvanie

Aschebrook-Kilfoy, B., Heltshe, S.L., Nuckols, J.R., Sabra, M.M., Shuldiner, A.R., Mitchell, B.D., Airola, M., Holford, T.R., Zhang, Y. and Ward, M. (2012) Modeled nitrate levels in well water supplies and prevalence of abnormal thyroid conditions among the Old Order Amish in Pennsylvania. Environmental Health. Sous presse.

(voir l'article entier ici)

Fuyant les persécutions du début du 18ème siècle, la communauté anabaptiste Amish fut alors accueillie sans réticence par William Penn dans l’Etat de Pennsylvanie [USA]. Elle put s’y implanter. Les Amish de l’Ancien Ordre sont agriculteurs de tradition. Logés dans des fermes, ou maisonnettes campagnardes, ils vivent à l’écart du monde moderne, parlant un dialecte haut-allemand, le Pennsylviania Dutch. Au nombre, actuellement de 50.000 en Pennsylvanie, ils occupent principalement le Sud Est de l’Etat, notamment le Comté de Lancaster.

On sait que, chez le rat, l’ion nitrate NO3- est capable, comme le sont les ions perchlorate ClO4- et thiocyanate SCN-, de déplacer l’iode préalablement présent dans la glande thyroïde.

Les auteurs américains mesurent:

- entre 1995 et 2008, les taux plasmatiques de thyréostimuline hypophysaire [TSH] chez 2543 membres de la Communauté Amish de l’Ancien Ordre vivant dans les Comtés de Lancaster, de Chester et de Lebanon [Pennsylvanie, USA].

- et, entre 1976 et 2006, les teneurs en nitrate NO3- des eaux de 3613 puits situés dans ces zones d’habitation amish.

Par définition, ils considèrent:

- comme témoins d’une «hyperthyroïdie clinique» [clinical hyperthyroidism] des taux plasmatiques de TSH inférieurs à 0.1 mIU/ml.

- comme témoins d’une «hyperthyroïdie subclinique» [subclinical hyperthyroidism] des taux plasmatiques de TSH compris entre 0.1 et 4 mIU/ml.

- comme «normaux» des taux plasmatiques de TSH compris entre 0.4 et 4 micro-unités internationales par ml [mIU/ml].

- comme témoins d’une «hypothyroïdie subclinique» [subclinical hypothyroidism] des taux plasmatiques de TSH compris entre 4 et 10 mIU/ml.

- témoins d’une «hypothyroïdie clinique» [clinical hypothyroidism] des taux plasmatiques de TSH supérieurs à 10 mIU/ml.

En intégrant les mesures directement effectuées dans un «modèle», ils estiment qu’en définitive, dans ces aires géographiques, les teneurs en nitrate des eaux de puits devraient être comprises entre 1.5 et 72.6 mg NO3- l-1, avec une moyenne de 28.8 mg NO3- l-1.

Les résultats de la confrontation sont les suivants:

- Aucune association n’existe entre les concentrations en nitrate des eaux de puits et l’hyperthyroïdie, qu’elle soit «clinique» ou «subclinique» [Neither clinical or subclinical hyperthyroidism were associated with nitrate concentrations].

- Aucune association n’existe entre les concentrations en nitrate des eaux de puits et l’hypothyroïdie «clinique» [No significant associations were observed for clinical hypothyroidism].

- Si elle existe, l’association entre les concentrations en nitrate des eaux de puits et l’hypothyroïdie «subclinique» reste de signification statistique limite. Elle ne s’observe pas chez l’homme et semble ne s’observer que chez la femme [Overall, there was a borderline significant positive association between subclincal hypothyroidism and high nitrate exposure, with further analyses revealing the association to be present in women, but not in men]. Et, chez la femme, cette tendance à l’hypothyroïdie «subclinique», qui se détecte lorsque la teneur en nitrate de l’eau de puits est comprise entre 29 et 38 mg NO3- l-1, ne se détecte plus lorsque cette teneur est supérieure et comprise entre 37.9 et 72.6 mg NO3- l-1 [However, the association among women did not increase monotonically with increasing quartiles of estimated nitrate concentrations in their water supply exposure].

Les limites de l’étude sont nombreuses. Les auteurs en sont conscients:

1) Les apports en nitrate provenant des légumes ne sont pas pris en compte [The lack of dietary questionnaire data in our study is a limitation since estimates of well-water nitrate were below the MCL of 10 mg/l [soit 44.3 mg NO3- l-1] for 89% of participants].

2) Les changements éventuels de résidence des sujets entrant dans l’étude ne sont pas connus [Our study was limited by a lack of information about the study population’s complete residential history]

3) De même, les auteurs ignorent l’importance de la consommation quotidienne des sujets en eau de boisson [We did not have data […] on personal water consumption], ainsi que la part d’eau de boisson provenant du réseau d’adduction publique [We did not have data on tap water consumption].

Commentaire du blog

Alors que, comme on le sait, elle est variable, diminuée en cas d’obésité et d’hypertension, augmentée lors des activités physiques et sportives, la synthèse endogène des nitrates par la voie de la L-arginine, ou voie de la NO synthase, n’est ici, non plus, ni évoquée, ni prise en compte.

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