Coût de la réglementation nitrate (1)

Bommelaer, O. et Devaux, J. (2011) Coûts des principales pollutions agricoles. Collection «Etudes et documents» du Service de l’Economie, de l’Evaluation et de l’Intégration du Développement Durable [SEEIDD] du Commissariat Général au Développement Durable [CGDD], Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement, République Française, n° 52, 28p.

(voir le texte ici)

En 1962, aux Etats-Unis, l’US Public Health Service a édicté une limite maximale réglementaire pour les nitrates de l’eau de boisson, et l’a fixée à 10 mg NO3--N l-1, soit 45 mg NO3- l-1. En 1980, sans donner d’explication, le Conseil des Communautés européennes a également édicté une concentration maximale admissible pour ces mêmes nitrates de l’eau de boisson, la fixant, pour sa part, à 50 mg NO3- l-1.

A notre connaissance, le coût de telles directives n’avait, jusqu’à présent, jamais fait l’objet d’une évaluation quantifiée. Dans un numéro de sa collection «Etudes et documents» paru en septembre 2011, s’attelant à cette tâche, le Commissariat Général au Développement Durable du Ministère français de l’Ecologie propose des chiffres pour la France métropolitaine.

Une note avertit, en préambule, que «le document n’engage que ses auteurs et non les institutions auxquelles ils appartiennent».

Les auteurs du document distinguent quatre surcoûts: 1) les «traitements d’épuration des eaux usées liés aux nitrates agricoles», 2) les dépenses engagées par les agences de l’eau «pour lutter contre la pollution agricole», 3) les «coûts de substitution de l’eau du robinet vers l’eau en bouteille dus aux nitrates», 4) les «traitements de potabilisation liés aux nitrates».

-1) Traitements d’épuration des eaux usées liés aux nitrates agricole

Estimant qu'en France métropolitaine et par an, "au moins 10 % des coûts d'épuration tertiaire de l'azote sont imputables à l'agriculture", les auteurs du document évaluent "les rejets urbains à traiter" imputables à l'agriculture à 250 millions de m3. Selon l'ASTEE [Association Scientifique et Technique pour l'Eau et l'Environnement] le coût du traitement au m3 étant compris entre 0.4 et 0.6 euros, les auteurs en déduisent que "les dépenses annuelles d'épuration des eaux usées des services publics d'assainissement dues aux excédents de nitrates d'origine agricole" doivent être comprises "dans une fourchette de 100 à 150 millions d'euros."

-2) Dépenses engagées par les agences de l’eau «pour lutter contre la pollution agricole» «Sur 2007 et 2008, les agences de l’eau ont engagé 144 millions d’euros au titre de la lutte contre la pollution agricole».

-3) Coûts de substitution de l’eau du robinet vers l’eau en bouteille dus aux nitrates

Selon les auteurs, «les enfants en bas âge représentent une catégorie de population à risque vis-à-vis des nitrates, ceux-ci pouvant causer la méthémoglobinémie (ou maladie dite «du bébé bleu»). La contre-indication médicale de l’eau du robinet est donc systématique en France pour les nourrissons au biberon».

Selon eux, la France métropolitaine compte, nourrissons au sein exclus, 1 500 000 enfants de moins de 2 ans. Chacun consomme, en moyenne, 0.75 litres par jour. Dans notre pays, les enfants en bas âge consomment donc, en leur totalité, 410 millions de litre d’eau de boisson par an. Le prix de l’eau en bouteille est, en moyenne, de 0.538 euros le litre. Considérant alors comme acquis que tous les enfants en bas âge de notre pays consomment une eau en bouteille, les auteurs en déduisent qu’en France métropolitaine, «la dépense des ménages induite par les nitrates s’élève à 220 millions d’euros par an».

-4) Traitements de potabilisation liés aux nitrates

Les auteurs comptabilisent ensuite les travaux que supportent les collectivités locales pour qu’en fin de circuit,  l’eau distribuée aux particuliers soit conforme à la directive européenne, c’est-à-dire les abandons de captages, les dilutions, les «travaux palliatifs pour mauvaise qualité», les «traitements complémentaires».

A propos des mélanges des eaux riches en nitrate avec les eaux pauvres en nitrates, ils font part de «questions éthiques». «Des populations», disent-ils, «naturellement desservies par des eaux pauvres en nitrates se retrouvent sans préavis ni débat desservies par des eaux à la limite des normes de qualité». «Rappelons», ajoutent-ils, sans doute pour sensibiliser le lecteur, «que la norme française sur la teneur en nitrates de l’eau potable est 5 fois plus permissive que la norme US».

La part du volume d’eau traité annuellement contre les nitrates est diversement appréciée:

- selon les membres de la Commission Eau Potable de l’ASTEE, 5% des volumes prélevés, soit 300 millions de m3,

- selon le SEIDD [Service de l’Economie, de l’Evaluation et de l’Intégration du Développement Durable] 10% des volumes prélevés, soit 600 millions de m3.

Le «coût supplémentaire curatif des nitrates» est «compris entre 0.40 et 0.61 euros par m3 (coûts ASTEE 2011 et Drouet/AESN 2008)». Ainsi, en France métropolitaine et par an, «les dépenses de traitement de potabilisation des collectivités locales entraînées par la pollution par les nitrates seraient comprises entre 120 et 360 millions d’euros».

[A suivre. Commentaire du blog dans la prochaine rubrique]

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