Sportifs, ne confondez pas nitrate et nitrite

Lundberg, J.O., Larsen, F.J. and Weitzberg, E. (2011) Supplementation with nitrate and nitrite salts in exercise: a word of caution. Journal of Applied Physiology 111, 616-617

(voir la lettre ici)

D’un certain nombre de travaux scientifiques récents [Cf. rubriques des 4 décembre 2009, 15 juin et 15 octobre 2010, 5 et 17 mars, 9 et 27 mai 2011], il ressort qu’une supplémentation en nitrate inorganique [NO3-] réduit la consommation d’oxygène au cours de l’exercice physique. L’athlète d’endurance se trouve incité à y recourir, pour accroître ses performances [Cf. rubrique du 10 septembre 2011].

Bien qu’il n’ait pas encore été vérifié dans de réelles conditions de compétition, un tel effet se trouve commenté dans des forums sur internet, dans des articles, dans des discussions à l’intérieur des communautés sportives. La supplémentation en nitrate a aujourd’hui tendance à se répandre chez les athlètes [Although the true performance-enhancing effects of nitrate are yet to be proven under actual competitive conditions, it is clear from internet forums, articles, and discussions within the sports community that the use of nitrate supplementation currently is spreading rapidly among athletes].

Par cette lettre à l’éditeur, les auteurs suédois [Karolinska Institute, Stockholm] veulent attirer l’attention du milieu sportif sur les risques de confusion entre supplémentation en ions nitrate [NO3-] et supplémentation en ions nitrite [NO2-].

L’ion nitrate [NO3-] est dénué de toxicité, même à forte dose [Nitrate is nontoxic even in higher doses]. Il est à l’origine d’effets bénéfiques. Dans notre organisme, la transformation lente et contrôlée des ions nitrate d’origine alimentaire en ions nitrite exerce un effet hypotenseur. La consommation en oxygène est également réduite. La supplémentation en nitrate pourrait, à l’avenir, être utilisée dans le traitement et la prévention des maladies ischémiques comme l’infarctus du myocarde ou l’artériopathie périphérique [This slow controlled release of nitrite from dietary nitrate may have desirable health effects, including a lowering of blood pressure. Also, the reduction in oxygen cost obtained by nitrate may be used in the future in treatment and prevention of ischemic conditions such as myocardial infarction and peripheral artery disease].

Pour les auteurs suédois, à l’occasion de l’activité sportive, une supplémentation alimentaire en ions nitrite [NO2-] n’est pas, par contre, dénuée d’inconvénients.

L’ion nitrite peut déclencher une méthémoglobinémie, affection potentiellement mortelle. En outre, notamment s’il est associé à d’autres substances vasodilatatrices, il peut favoriser l’apparition d’indésirables phénomènes hypotensifs [Acute nitrite toxicity is a result of its rapid reaction with hemoglobin in blood, which may cause methemoglobinemia, a potentially life-threatening condition. In addition, nitrite in higher doses may cause hypotension, especially if combined with other vasodilatory drugs]. Un forum pour joggers ou coureurs à pied sur Internet aurait récemment rapporté le cas d’un athlète qui, par mégarde, ayant ingéré, avant l’effort, un sel, non de nitrate, mais de nitrite, aurait vu apparaître des symptômes évocateurs de méthémoglobinémie [The subject had taken a nitrite salt before exercise in the belief that it was nitrate, and he developed symptoms suggestive of methemoglobinemia].

Les auteurs rappellent que la contamination d’une nourriture nitratée par des bactéries nitratoréductrices pourrait donner lieu à une accumulation de nitrites. Le sportif évitera aussi de confondre les nitrates inorganiques [NO3-] avec des nitrates organiques comme la nitroglycérine, connue dans le monde médical sous le nom de trinitrine, et le nitrite d’amyle, puissants vasodilatateurs dont l’usage inconsidéré exposerait à des collapsus plus ou moins sévères.

En conclusion, alors que la toxicité aiguë de l’ion nitrate [NO3-] est très faible, pour ne pas dire absente, le danger serait, en fait, pour le sportif, de faire appel, par erreur, à une forte supplémentation en ions nitrite [NO2-] ou à de fortes doses de nitrates  organiques [While the acute toxicity of nitrate is very low or absent, any confusion leading to a large unintentional intake of nitrite or organic nitrates and nitrites is potentially life-threatening].

Commentaire du blog

Le risque d’un emploi inconsidéré par le sportif de nitrites ou de nitrates organiques, facilité par le phénomène d’homonymie, est bien réel.

Par contre, chez l’adulte, le risque de forts apports en ions nitrite NO2- mérite discussion. Tout dépend de la dose. Contrairement à ce qui s’observe chez le nourrisson de moins de six mois, il faut, chez l’adulte, de très importants apports per os en ions nitrite pour que le taux de méthémoglobine commence à s’élever significativement.

On sait qu’en Europe, les apports quotidiens habituels en nitrite sont estimés, selon les pays, entre 1.2 et 8.7 mg NO2- [Gangolli, S.D et al. (1994) Nitrate, nitrite and N-nitrosocompounds. European Journal of Pharmacology, Environmental Toxicology and Pharmacology Section 292, 1-38].

En 1969, Kiese et Weger injectent, par voie intraveineuse, 186 mg de NO2- à six adultes et 560 mg de NO2- à un septième. L’injection intraveineuse de 186 mg de NO2- ne déclenche qu’une faible méthémoglobinémie: 7% à la trentième minute. L’injection intraveineuse de 560 mg de NO2- déclenche une méthémoglobinémie plus marquée: 30% à la soixantième minute. Cliniquement, ces injections ne sont à l’origine que d’une légère hypotension, avec tachycardie, au cours des quinze premières minutes, sans aucune séquelle.

En 2009, Hunault et coll. demandent à neuf adultes sains volontaires d’ingérer des doses de nitrites comprises entre 93 et 126 mg et entre 193 et 253 mg. Les ingestions sont suivies de quelques nausées et céphalées transitoires, d’une discrète hypotension, d’une élévation modérée et transitoire du taux de méthémoglobine, respectivement autour de 4 et 10% [Cf. rubrique du 5 janvier 2010].

Per os, quoique diversement évaluée, la dose mortelle de nitrite chez l’adulte est, en réalité, considérable: entre 1 670 et 15 000 mg de NO2-.

Ces considérations chiffrées relativisent la crainte exprimée par les auteurs [Cf. rubrique du 7 septembre 2010].

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